Résumé de la 3e partie C?est un soleil resplendissant qui éclaire, au matin, le groupe des deux hommes perdus sur l?Inlandsis. Le Danois dit froidement : «Lâchez cette arme ! Vous êtes un gamin? J?en ai assez !» Ils sont face à face tous les deux. Doucement la neige recouvre leurs épaules, Olsen s?énerve : «Lâchez cette arme ! ? Lâchez la vôtre, alors.» Comme un fauve, Olsen se rue dans les jambes de l?Allemand, qui chancelle et lâche le fusil. D?une main, l?Allemand saisit le poignet d?Olsen. Ils roulent dans la neige. Le revolver, en tombant, s?enfonce. La main de l?Allemand le cherche à tâtons. Il murmure dans un souffle : «C?est idiot? Je vous assure que c?est idiot !» Il se sent frappé au visage puis à l?estomac. Il se plie en deux, esquisse un geste implorant. Mais le Danois, à genoux, cherche et trouve dans la neige le revolver. L?Allemand, le visage en sang, s?enfuit en criant : «Vous avez gagné !» Olsen, à genoux, regarde son ombre se fondre dans la nuit et l'entend hurler au loin : «Comme ça, nous crèverons chacun de notre côté.» Quand une fourmi erre toute seule au milieu du carrelage d?une cuisine, on ressent pour elle une folle angoisse. Quelle solitude et combien de dangers la menacent ? Que fait-elle là ? S?est-elle perdue ? Va-t-elle quelque part ? L?aventure de cette fourmi, sa solitude et les dangers qu?elle affronte ne sont rien, comparés à ceux que connaissent, perdus dans l?immensité du Groenland, le soldat danois Waldemar Olsen et son prisonnier. L?Allemand est revenu. Ils ne peuvent pas rester seuls. Etre seul, c?est être mort. Olsen veut rejoindre Cap Brewster, le poste militaire le plus proche, mais la distance est tout de même bien grande. Aussi, pendant des jours, soutenus par un vague espoir, les deux hommes vont poursuivre leur route sur l?énorme glacier qui craque, se démantibule et parfois laisse apparaître ses entrailles au fond des crevasses. Depuis longtemps, ils ont tué le dernier chien. Ils traînent tour à tour l?unique traîneau et cherchent en vain leur chemin. Avançant comme des larves, ils se débattent dans le froid, rusant avec le blizzard qui les paralyse et se glisse jusque dans leur cerveau. Et les nuits ! Nuits boursouflées, violettes. Le froid les serre à pleins bras, mord leurs visages, les embrasse sur la bouche pour leur glacer les poumons. Alors, ils se dressent comme des spectres, les lèvres fendues, hirsutes, le regard inquiétant, à demi fous. C?est alors que se situe un épisode qui, lorsqu?il sera connu, inspirera bien des auteurs. Le Danois surtout est épuisé, à bout de nerfs, par ses nuits sans sommeil. Aussi propose-t-il à l?Allemand de lui lier les mains pour la nuit. L?Allemand refuse. Le Danois a beau insister, sortir son revolver, le prisonnier se dérobe. Non seulement il se dérobe, mais il lui propose un marché. Tout pourrait être résolu en quelques secondes. Il suffirait que le Danois lui prête son revolver un instant. L?Allemand tiendrait ce revolver dans sa main et le lui rendrait. Ainsi il aurait la preuve de sa loyauté et de sa soumission. Désormais, ils n?auraient plus besoin de se regarder en chiens de faïence. Ils auraient confiance l?un dans l?autre. Olsen refuse. Il n?a pas confiance. L?Allemand se moque de lui : «Jeune homme?, lui dit-il, cette nuit ne finira pas comme elle a commencé. Vous êtes jeune, mais je vous aurai à l?endurance. Déjà vos yeux papillotent. Vous pleurez de sommeil. Moi, je tiendrai le coup. Le moment viendra où vous vous écroulerez.» Ce duel étrange va durer des heures. Le Danois doit réagir violemment contre le sommeil. Il se mord les joues, chantonne puis retombe, le visage incliné en arrière, regardant sous ses paupières mi-closes l?Allemand souriant. (à suivre...)