Phénomène n Le commerce informel ne se pratique pas seulement dans les rues. Il gagne de plus en plus des espaces qu'on croyait destinés au savoir. Nous savons qu'il existe des étudiants qui vendent du tabac (cigarettes et tabac à chiquer) dans leurs chambres. Ce phénomène semble «banalisé» et existe dans plusieurs cités universitaires du pays, notamment dans celles de la capitale. Cependant, dans la cité de Oued Aïssi, nous avons découvert des chambres devant servir à l'hébergement des étudiants transformées en de véritables boutiques de commerces divers par leurs occupants. «Il est clair que la défaillance des services de l'administration et les manques flagrants signalés dans les œuvres universitaires ont ouvert la voie à cette situation», affirme notre guide. Ce phénomène, qui est apparu depuis quelques années, a pris de l'ampleur aujourd'hui. «Quand je suis entré pour la première fois dans cette résidence, en 2005, il existait à peine quatre ou cinq chambres destinées à ces activités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui puisque, actuellement, il en existe plus d'une vingtaine», témoigne notre interlocuteur. En passant devant un pavillon, nous avons constaté une scène qui sort de l'ordinaire : une longue file s'est formée dans un couloir. Ces étudiants, en fait, attendaient leurs commandes. Un étudiant a, en effet, transformé sa chambre en gargote et il prépare des sandwichs frites et frites-omelettes en plein couloir. «Il sait parfaitement que la fumée et la vapeur qui se dégagent de la cuisson sont nocives, c'est pour cette raison qu'il préfère les préparer hors de sa chambre», dira notre compagnon. Une autre scène n'est pas moins insolite. Dans une chambre, un étudiant se rend compte que les piles de son poste-radio sont épuisées. Que fera-t-il pour avoir des piles sachant qu'il n'existe pas de buraliste dans la cité, et pour aller en ville, il est vraiment tard ? «Ne vous inquiétez pas. J'en trouverai dans la chambre à côté», rassure-t-il. En effet, dans la chambre en question, on peut trouver tout ce qu'on cherche. Là, on vend aussi des biscuits, de la limonade, du jus, des cigarettes, du tabac à chiquer. Mieux, on peut même y prendre un café ou un thé… «Salut l'ancien», lance par la fenêtre un étudiant qui vient de commander un café. «Azul l'ancien, attend juste une petite minute», lui répond l'autre depuis sa chambre. Les deux étudiants qui tiennent la «boutique» reçoivent leurs clients avec de larges sourires en échangeant avec eux des salutations et en continuant à travailler au rythme des chansons de «l'éternel rebelle», Matoub Lounès.