Résumé de la 28e partie n Grant avoue avoir fait surveiller Karl von Deinim mais pas sous l'angle du Sans Souci ... Grant émit à nouveau un profond soupir. — Il l'est sûrement – ils le sont presque toujours. C'est ça qui est bizarre, dans le renseignement. Nous respectons nos adversaires, et ils nous le rendent bien. En général, dans ce métier, on a de l'estime pour le type qui est de l'autre bord – même si on fait de son mieux pour le coincer. Tous deux se turent. Tommy réfléchissait aux situations étranges que la guerre engendre. La voix de Grant coupa court à sa méditation : — Mais il y a aussi ceux que nous ne pouvons ni respecter ni estimer – je veux parler des traîtres qui se trouvent dans nos propres rangs, des individus qui sont prêts à trahir leur pays et à accepter les postes ou les prébendes que pourrait leur offrir le vainqueur. — Là, monsieur, je vous suis tout à fait, affirma Tommy avec chaleur. Ceux-là sont des salauds. — Et ils mourront comme des salauds, trancha Grant. — Mais vous croyez vraiment qu'ils sont partout, ces porcs ? — Partout. C'est ce que je vous ai dit. Dans le Service lui-même. Dans les forces armées. Au Parlement. Au sommet de la hiérarchie des ministères. Il faut que nous les prenions dans nos filets. Il le faut ! Et il faut que ce soit fait en vitesse. Seulement pas question de commencer par la base – par le menu fretin, ceux qui tiennent des discours à Hyde Park, ceux qui vendent leurs torchons à fausses nouvelles –, ceux-là ne connaissent pas les gros poissons. Or ce sont les gros poissons que nous devons attraper. Ceux qui peuvent provoquer des dégâts incalculables – et qui les provoqueront si nous n'intervenons pas à temps. — Nous interviendrons à temps, monsieur, affirma Tommy, plein de confiance. — Qu'est-ce qui vous permet d'être aussi péremptoire ? — Vous venez de le dire : il le faut ! L'homme à la canne à pêche tourna la tête pour mieux observer son subordonné, pour mieux soupeser la résolution qu'indiquait le menton aux lignes nettes. Il eut un sourire approbateur. — Bravo, mon vieux. Puis il reprit d'un ton froid : — Et la gent féminine ? Quelque chose de suspect ? — Je ne trouve pas très nette la patronne des lieux. — Mrs Perenna ? — Oui. Vous ne savez rien sur son compte ? — Je verrai ce que je peux faire pour passer ses antécédents au peigne fin, répondit Grant avec lenteur. Mais je vous l'ai dit : c'est risqué. — Oui. Mieux vaut ne pas tenter la chance. Mrs Perenna est la seule que je pourrais soupçonner. A part elle, il n'y a qu'une jeune mère de famille, une vieille fille chichiteuse, l'épouse à moitié débile de l'hypocondriaque et une vieille Irlandaise dont la seule vue flanquerait la frousse à n'importe qui. A priori, ce petit monde me paraît assez inoffensif. — On a fait le tour du lot, non ? — Non. Il y a aussi une Mrs Blenkensop... arrivée depuis trois jours. — Oui, et alors ? — Mrs Blenkensop est ma femme, lâcha Tommy. — Quoi ? (à suivre...)