Résumé de la 57e partie n Juste avant de se rendre à Londres, Tuppence rencontre Karl Von Deinim qui fulmine car le major Bletchley vient de traiter les Allemands de porcs... Tuppence s'empara fermement de son bras. — Ne dites pas de bêtises! gronda-t-elle avec rudesse. Il est normal que vous ressentiez cela. N'importe qui dans votre situation penserait comme vous. Mais vous devez tenir bon. — Je préférerais qu'on interne moi. Ce serait plus facile comme ça. — Oui, probablement. Mais, en même temps, vous faites un travail utile, ici. Du moins, c'est ce qu'on m'a dit. Et utile non seulement pour l'Angleterre, mais pour l'humanité tout entière. Vous travaillez sur les problèmes de décontamination, n'est-ce pas ? Un vague sourire éclaira le visage du jeune homme. — Ah ! oui. Et je commence à réussir. Un procédé très simple, facile à réaliser et pas complexe pour mettre en œuvre. — Vous voyez, continua Tuppence, ça en vaut la peine. Tout ce qui peut diminuer les souffrances en vaut la peine. Tout ce qui est positif et non destructif. C'est vrai, bien sûr, qu'on éprouve le besoin d'insulter l'ennemi. En Allemagne, ils en font autant. Il y a sûrement des centaines de major Bletchley, l'écume à la bouche... Et moi-même, je hais les Allemands. Il suffit que je dise «les Allemands» pour sentir monter en moi des ondes de haine. Mais quand je pense à l'Allemand ordinaire, aux mères qui attendent dans l'angoisse des nouvelles de leurs fils, aux garçons qui partent de chez eux pour aller combattre, aux paysans dans leurs champs, aux petites gens dans leurs boutiques et à quelques-uns des Allemands adorables que je connais, mes sentiments sont différents. Je sais que ce sont des êtres humains comme moi, et que nous ressentons tous la même chose. C'est ça, la réalité. Le reste, c'est le masque de la guerre. Ça fait partie de la guerre. Et c'est sans doute nécessaire. Mais cela ne dure pas. Et, tandis qu'elle parlait, elle se rappelait en pensée, comme Tommy il y avait peu de temps, les dernières paroles d'Edith Cavel : «Le patriotisme n'est pas suffisant. Je ne dois pas avoir de haine dans mon cœur.» Ces propos d'une vraie patriote leur avaient toujours paru à tous deux la marque suprême de l'esprit de sacrifice. Karl von Deinim se pencha et lui baisa la main. — Je vous remercie, souffla-t-il. Ce que vous avez dit à moi est juste et vrai. J'aurai plus de courage. «Oh ! Seigneur, songeait Tuppence en se dirigeant vers la gare, quel malheur que la personne que je préfère dans cet hôtel soit un Allemand... Ça fausse tout !» Tuppence était une femme exceptionnellement consciencieuse. En réalité, elle n'avait pas la moindre envie de se rendre à Londres, mais elle jugeait plus sage de se conduire conformément à ce qu'elle avait annoncé. Si elle s'était contentée d'une excursion pour la journée n'importe où, elle aurait couru le risque d'être repérée. Et on aurait pu en avertir Sans Souci.(à suivre...)