Phénomène n Les produits d'artisanat africains, inspirés d'une identité sociale et culturelle plusieurs fois millénaire et si particulière, garnissent de plus en plus les vitrines et les étals oranais, expression d'un vrai engouement. Désormais spécialisés dans la vente d'objets provenant du Mali, du Sénégal ou du Niger, ces commerces proposent une panoplie de produits à base de bois, de pierre, d'ivoire ou de cuir. Ces articles sont vendus aussi hors des grands magasins, à Medina Djedida où des revendeurs de l'Afrique subsaharienne ont trouvé un espace propice pour les écouler. Des tableaux illustrant des paysages et des sites naturels africains, à l'instar des chutes du lac Victoria en Tanzanie, d'animaux sauvages des jungles africaines et des bijoux artisanaux suscitent ainsi l'intérêt. Les moins jeunes des Oranais sont attirés par les masques des peuples africains symbolisant des rituels et des traditions tribales ancestrales. Pour un connaisseur, le masque occupe une place de choix chez les Africains en ce qu'il symbolise, selon la légende, le vrai visage de l'homme, celui qui ne change pas contrairement au «visage naturel» qui se transforme et s'abîme avec le temps. Le Salon international du cuir, organisé chaque été à Oran, semble avoir, largement contribué à mettre en exergue les produits artisanaux réalisés à base du cuir. Dans les nombreux stands de ce salon, les visiteurs découvrent l'art traditionnel de ce continent dont on ne retient aujourd'hui, hélas, que les guerres, les conflits et les famines qui affectent beaucoup de pays. C'est que pour beaucoup, l'art africain renvoie uniquement au folklore et au chant populaire, notamment ceux des superstars comme Myriam Makeba, mère de Mamma Africa, qui reste ancrée dans l'esprit de générations entières. L'intérêt des Oranais pour le patrimoine artisanal de l'Afrique noire, dont des objets d'art et des tapis confectionnés avec les peaux d'animaux comme le serpent, concerne aussi un autre art non moins prestigieux qu'est la broderie africaine, notamment les genres soudanais et malien. Cette broderie s'est frayée une place de choix à côté de la broderie marocaine. Provenant de Bamako, cet art a atterri dans la capitale de l'Ouest via certaines villes du Sud-Ouest réputées par ce genre de couture, introduite par des couturiers africains excellant dans la broderie proche des genres répandus au Maghreb, en l'occurrence ceux de Rabat et de Oued Souf, fait remarquer une couturière qui assure, dans son atelier, l'enseignement de cet art à plusieurs jeunes filles. C'est grâce aux défilés de mode, qui se tiennent dans certains établissements culturels, que la broderie africaine s'est imposée dans le répertoire du costume traditionnel en général et la broderie en particulier, qui fait désormais partie intégrante du trousseau de la mariée, à l'instar de la fameuse robe Fergani, la gandoura tunisienne ou la Mansouria. Au fil du temps, la broderie africaine a fini par attirer une clientèle importante et de milieux sociaux différents. Elle a davantage prospéré avec l'ouverture, dans des zones éparses, d'ateliers gérés par des couturiers africains dont les produits sont écoulés sans peine, dans certains pays d'Europe par le biais de la communauté algérienne. La main-d'œuvre spécialisée dans cette couture est parmi les plus coûteuses, les salaires pouvant atteindre les 60 000 dinars par mois, sans compter d'autres frais comme l'hébergement des ouvrières.