Résumé de la 59e partie n Alors que Marie Lafarge et son avocat triomphent, le procureur décide d'une nouvelle autopsie qui sera menée par les experts de l'accusation et de la défense. Depuis le début, le procès est largement commenté par la presse. Si quelques journaux admettent la possibilité que Marie Lafarge a bien pu empoisonner son mari pour hériter de sa propriété, d'autres clament son innocence. Cette femme n'est-elle pas calomniée par sa belle famille, des provinciaux bornés qui vouent une haine inexplicable à celle qu'ils appellent l'étrangère ou la Parisienne. Sa belle-mère et ses belles-sœurs sont particulièrement jalouses de cette femme qui a de la classe et qui semble amoureuse de son époux. Certains observateurs essayent cependant de se mettre impartiaux et d'analyser les événements avec objectivité. La duchesse de Dino témoigne dans sa chronique de 1831 à 1862 et publiée en 1909 : «Tant mieux pour sa parenté si elle est innocente du crime, mais j'avoue que vu la discussion des premiers et seconds experts, ces énormes achats d'arsenic, et, surtout, cette transition si subite d'une horrible répugnance à des tendresses excessives pour son mari, elle me restera toujours assez suspecte pour désirer une autre garde-malade si j'avais des tisanes à faire. Une chose qui me choque tout particulièrement de sa part, ce sont ces rires inextinguibles pendant la déposition emphatique et, à la vérité, ridicule, d'un des témoins à charge… Plus une personne, sous le coup d'une pareille accusation, serait innocente, plus elle devrait souffrir, et tout en conservant le calme d'une bonne conscience, elle devrait être occupée à d'autres idées que de se livrer à de pareils éclats d'hilarité…» Plus loin, on lit : «Il n'a été question, hier soir, au salon, que de Mme Lafarge, on est ici, comme partout, fort divisé d'opinions sur son compte. Ceux qui la croient innocente disent que le mari n'est pas mort empoisonné, mais de l'usage de mouches cantharides qu'il prenait pour être un vaillant mari, et que c'est à celle-ci qu'il faut attribuer le prompt changement des dispositions de sa femme… Ceux qui persistent à la croire coupable disent qu'il faut plutôt croire les premiers experts qui ont opéré sur les matières fraîches, que ceux qui ont analysé des matières incomplètes, décomposées ; ils s'appuient sur les mauvaises tendances, hier avérées, de l'accusée, sur ses lettres, ses habitudes de mensonges et de comédie, sa mauvaise réputation, dès sa première jeunesse, la hâte que sa famille avait de la marier pour s'en défaire, au point d'avoir recours à un bureau matrimonial. Elle était petite-fille d'une Mme Collard (…), élève de Mme de Genlis, et, assez généralement supposée être sa fille et celle de M. le duc d'Orléans, père du Roi des Français actuel. C'est à cette filiation qu'on attribue l'intérêt très vif qu'on prend, aux Tuileries, pour Mme Lafarge. Dans son affaire des diamants, on la juge selon le monde et l'opinion auxquels on appartient… tout ce bord-là la croit coupable… Toute la démocratie, charmée de trouver en elle, une femme du beau monde, tient la fable inventée par Mme Lafarge contre Mme Léautaud pour véritable.» Mme Léautaud est, rappelons-le, la vicomtesse à laquelle Marie a dérobé des bijoux. Selon Marie, la vicomtesse lui a donné ses bijoux à vendre pour payer son amant qui la fait chanter. (à suivre...)