Parmi les rêves qu'il cite, Ouspensky a noté un rêve où la lucidité lui permet de changer le cours de son rêve. «Je me souviens d'une fois où je me suis vu dans une grande pièce sans fenêtres ; je n'y étais pas seul, car il y avait également là un petit chaton noir. Je me suis dit : je rêve. Comment savoir si, oui ou non, je suis endormi ? Peut-être pourrai-je procéder ainsi : je décide que ce petit chat noir va devenir un grand chien blanc. Une telle chose est impossible dans la vie éveillée. Si cela se produit, c'est que je dors.» «A peine ai-je pensé cela que le chaton noir se transforme en chien blanc. Au même instant, le mur, devant moi, s'efface, laissant paraître un paysage montagneux avec le ruban d'une rivière fuyant au loin.» Mais dans le rêve même, le rêveur s'est posé des questions. «Voilà qui est curieux», me dis-je. «Je n'ai pas commandé ce paysage. D'où sort-il ?» «Puis il me vient un vague souvenir de l'avoir déjà vu quelque part et je crois aussi me rappeler qu'il est associé à l'idée d'un chien blanc. Mais je crains, si je pénètre dans le paysage, d'oublier le plus important, à savoir que je dors, que je suis conscient de moi-même, que je me trouve enfin dans cet état, longtemps souhaité, que je m'efforce d'atteindre. J'essaie de ne pas penser au paysage, mais à ce moment-là, c'est comme si une force invisible me tirait en arrière. Je m'envolais, traversant rapidement le mur, derrière moi, et continuais ainsi en ligne droite, toujours à reculons, avec un bruit terrible dans les oreilles. Soudain, tout s'arrête et je me réveille.»