Préjudice n Le squat des trottoirs et des bords de chaussées au niveau des Trois-Ponts par des commerçants informels n'est, en fait, que la partie visible de l'iceberg d'un squat beaucoup plus important. La ville a été livrée, malgré elle, aux marchands du temps. Leur fait accompli et parfois accepté par une administration pour le moins permissive qui n'a eu d'autre alternative que de laisser-faire. Prenons l'exemple de l'immense avenue qui vient de Mont-Plaisir qui traverse le quartier appelé naguère St-Jules et qui débouche sur le rond-point du centre-ville face au siège de la mairie. Quand ce n'est pas un café qui installe sa terrasse sur le trottoir, c'est un vulcanisateur qui l'occupe en y entassant ses pneus usagés et ses crics. Quand ce n'est pas un droguiste qui étale sur le trottoir ses bidons de peinture et ses kilomètres de siphons enroulés pêle-mêle, c'est un commerçant en matériaux de construction qui expose ses faïences et ses nevadas. Bref, tout le long de cette immense artère, et sur près de 700 mètres, pas un centimètre de trottoir n'est laissé aux piétons obligés de marcher sur le bitume à leur risque et péril. On a même vu…des meubles de chambres à coucher calés sur les rebords des trottoirs. Mais il y a pire dans ce chapitre. Le boulevard central de Mostaganem, c'est le cœur et le poumon de la ville, son miroir, sa carte de visite. Il regroupe, en effet, tous les sièges des principales administrations comme la mairie, les banques (entre autres la Badr, la BEA, et la BNA) la grande poste, une ancienne église transformée en mosquée, une place publique et enfin les fameuses arcades qui abritent cafés centenaires et magasins huppés très courus par les touristes. La place où venaient prendre le frais, au milieu des pigeons, retraités et fonctionnaires pendant la pause de midi, n'est plus aujourd'hui qu'un bazar sous la toile où l'on vend un peu de tout, robes, ceintures, pantalons, layettes, parfums et kamis. Ce souk permanent «gourbise» la ville au point de l'étouffer. Juste en face, sous ces arcades qui sentaient il y a vingt ans l'odeur de la peinture fraîche et de l'encaustique, des marchands ambulants ont dressé leurs tréteaux, étals contre étals, pour vendre les mêmes produits…qu'en face. Kafkaïen ! Le piéton n'a que cinquante centimètres pour circuler entre les murs et ces commerces de bric et de broc. Un peu plus bas, vers la halle au poisson au sous-sol du marché couvert, la place des frères Bencheikh, jadis espace aéré, est, elle aussi, squattée par des forains apparemment permanents. A gauche, la rue du Lion qui débouche sur la place Thiers ne fait pas exception : elle est littéralement investie par des commerçants jusque dans ses moindres venelles. Même ses trottoirs sont délimités, à la chaux blanche, en petits espaces de 2 à 3 mètres carrés pour permettre aux bijoutiers ambulants d'exercer leur activité. Les riverains ont beau protester. Personne ne les entend.