Présentée, hier, au TNA, par le théâtre régional d'Annaba, Mazghana 95, adaptée du livre de Wassiny Laâredj par Hamid Gouri et mise en scène par Yahia Ben Amar, revêt une portée politique. Le discours politique est direct et virulent. La pièce se veut critique et franche. Elle ne passe ni par des allégories ni par des sous-entendus pour dire la réalité sociopolitique algérienne, mais use d'un ton critique et dénonciateur. C'est une pièce forte, percutante et surtout osée. Elle ose dire les choses telles qu'elles se présentent, naturellement et de façon évidente. L'on peut citer parmi les sujets traités la place de l'intellectuel, qui est la conscience sociale, porteur de vérité, dans une société, telle que la nôtre, gangrenée par la corruption et la hogra. Il y aussi la liberté d'expression, notamment celle de la presse qui y est abordée avec pertinence et vérité, et ce, à travers un journaliste assassiné par la mafia politico-financière et les barons de l'import-export, seulement parce qu'il s'est dressé contre leur diktat en dénonçant leurs manœuvres et leurs spéculations corruptrices. La pièce aborde également le terrorisme, la suspicion et le rejet de l'autre, le non-Algérien, c'est-à-dire l'étranger ; celui-ci est soupçonné et fait l'objet de doute et de méfiance. L'étranger devient un danger et une menace parce qu'il est différent. Vasques, l'arrière petit-fils de Miguel Cervantès, débarque chez H'cicen, un intellectuel, et se met sur les traces de son ancêtre, en quête des lieux qu'avait visités son arrière-grand-père et qui l'avaient émerveillé, mais il découvre un pays refermé sur lui-même et meurtri par la violence – rien de ce que Cervantès avait rapporté dans ses souvenirs. La pièce dénonce le repli identitaire, l'extrémisme religieux ou politique, ainsi que l'absence de dialogue entre les peuples et les cultures. Le discours politique est fort et frappant. Il s'accentue davantage à mesure que le jeu, franc et expressif, même s'il tend à traîner en longueur, évolue et prend des tournures ciblées. L'interprétation est soutenue par une scénographie symbolique – la scène est couverte, de part et d'autre, d'un drap blanc, une blancheur virginale qui fait référence à Alger la blanche, blancheur souillée – et progresse dans un réalisme authentiquement révélateur.