Mohamed Rahmani Les entreprises à Annaba, particulièrement celles du bâtiment et des travaux publics sont confrontées à de multiples problèmes, dont le plus récurrent est celui de la main-d'œuvre spécialisée. Une main-d'œuvre qui fait cruellement défaut et qui est à l'origine de bien des tracas et des retards ce qui pénalise ces entreprises tenues par des délais de réalisation. En effet, il est très difficile de trouver et recruter maçons, coffreur-boiseurs ou coffreur-bancheurs, carreleurs, ferrailleurs, plâtriers, électriciens bâtiment ou plombiers du fait du nombre réduit de personnes exerçant ces métiers et que s'arrachent les centaines d'entreprises activant dans le secteur. Certaines de ces entités vont jusqu'à proposer le double voire le triple des salaires versés par des entreprises concurrentes pour les débaucher et les recruter pourvu qu'on arrive à être dans les délais de réalisation. Selon un chef d'entreprise, les secteurs de la construction et des travaux publics sont confrontés au problème épineux du déficit en matière de main-d'œuvre qualifiée car les centres de formation professionnelle n'ont pas pu assurer la relève de celle partie à la retraite et n'ont pas pu répondre à la demande croissante de ce type de main-d'œuvre. Et la demande a effectivement explosé ces dernières années, avec les milliers de chantiers de construction lancés à travers le pays, chantiers de réalisation de logements qui se comptent aujourd'hui en millions d'unités, travaux publics, hydraulique, construction de routes, aménagements et autres ont fait que le nombre d'ouvriers spécialisés formés dans les instituts et centres de formation professionnelle reste très en deçà des besoins exprimés. Pourtant, en matière de formation professionnelle, Annaba a fait ses preuves dans les années 1970 en livrant au marché de l'emploi des milliers d'ouvriers spécialisés aux qualifications appréciées et répondant aux besoins des grandes entreprises de l'époque. Entre temps, la situation a évolué et de nouvelles filières de formation ont été introduites. Aujourd'hui, avec 11 centres de formation professionnelle, deux instituts spécialisés, un IFP et des annexes formant 17 413 stagiaires dans 90 spécialités, la formation professionnelle n'arrive pas à combler les déficits dans certaines spécialités que recherchent désespérément des entreprises et qui sont rares de nos jours. «C'est très difficile de répondre à ces besoins exprimés, nous a expliqué un professeur encadrant une section d'apprentissage, les stagiaires ne veulent pas s'inscrire et suivre des formations dans ces spécialités. tre maçon, coffreur-boiseur ou coffreur-bancheur, carreleur, ferrailleur ou plâtrier n'emballent pas les jeunes; ils boudent ces métiers et ne veulent pas en entendre parler. Ils préfèrent plutôt l'informatique où l'engouement est tel que nous avons des problèmes pour satisfaire la demande. Nous avons constaté ces derniers temps, un intérêt particulier des jeunes pour la ferronnerie d'art, la plomberie sanitaire, les métiers en relation avec le gaz et le froid.» «Devenir maçon ou ferrailleur, c'est salissant et fatiguant. Travailler sous le soleil et la pluie, ce n'est pas un métier pour moi, nous confie un jeune stagiaire en informatique, je préfère les filières où l'on travaille derrière un bureau au propre.» A quelques nuances près, ce sont les mêmes propos qu'on retrouve chez d'autres stagiaires qui considèrent ces métiers avilissants et dévalorisants. «J'ai le niveau de terminale, je ne peux pas m'abaisser à exercer ce métier (maçon). Vous me voyez, moi, un jeune de mon âge, au milieu des matériaux de construction, avec une combinaison toute poussiéreuse et du béton sur les mains ? Non, je ne le ferai jamais quitte à rester chômeur», nous dit un autre inscrit dans la filière GRH. La motivation pour les métiers manuels n'existe pas même si ceux-ci sont relativement bien rémunérés. Les jeunes d'une manière générale préfèrent des formations dans l'administration ou l'informatique. C'est un état d'esprit, une mode en quelque sorte, et l'on voit d'un mauvais œil toutes les autres filières de formation surtout celles tenues pour salissantes et dévalorisantes. L'autre problème, concernant l'agriculture celui-là, est celui ayant trait à la main-d'œuvre. Une main-d'œuvre qu'on trouvait aisément, il y a quelques années et qui est maintenant devenue rare. M. Aïssa, du domaine Sainte-Marie à El Hadjar, une exploitation agricole spécialisée dans la production de la tomate industrielle, nous a rapporté que l'année précédente, une partie de ses champs est restée telle quelle. «Les tomates ont pourri sur pieds faute d'ouvriers agricoles pour en faire la cueillette. Pourtant nous leur proposons des salaires qui dépassent les 1 000 DA/jour. Ils ne veulent pas travailler, ils préfèrent émarger au Daip ou au Dais et être payé sans rien faire. De la sorte nous apprenons à nos enfants la fainéantise et on dévalorise le travail», se désole-t-il. M. R.