Nasser Hannachi Le monde s'ouvre de plus en plus. Le globe terrestre est devenu un grand village par la grâce de la mondialisation des communications. Les personnes communiquent vite et en temps réel. Trop vite même. Les nouvelles technologies utilisées à bon escient par les réseaux sociaux exploitent des fois positivement cette ouverture qui met en contact tout le monde, surtout ces régions où sévissent des maladies, des guerres, la misère et tous les fléaux sociaux,... Un univers vulnérable en quête de soutiens et de solidarité. Une action «symbolique» qui ferait renaître l'espoir. Quel relais apaisant, en plus des traitements de fonds déployés par divers cercles émanant des institutions officielles gouvernementales ou internationales, pourrait éveiller les consciences autour de tel drame ou tel fléau qui ravage un pays, si ce n'est la sphère culturelle avec tous ses segments ? L'Algérie via ses artistes met timidement le pied dans ce genre de créneaux. La journée mondiale consacrée à la lutte conte le sida aura dévoilé quelques initiatives théâtrales et spots publicitaires de sensibilisation et de dédramatisation envers les personnes séropositives ou non. Une action somme toute louable qui en appelle d'autres à travers toute l'Algérie. Or l'habitude s'est bien ancrée ! Les artistes en général attendent toujours des sollicitations, avec un cachet à la clé. Toutes les reconnaissances dont ils ont pu bénéficier ne semblent pas provoquer en eux ce réflexe d'aller aux devants des citoyens en montant une scène où leurs touches artistiques ou satiriques se mettraient au service d'une cause, d'un combat ou d'une action sociale. A l'échelle locale, ce genre d'actions n'a pas d'existence. Et personne ne pourrait soutenir le contraire. Des responsables de la culture à Constantine confirment d'ailleurs cette défection. «Depuis ma prise de fonctions à la tête du secteur dans cette région, aucune correspondance ne m'a été adressée signifiant un vœu d'organiser une manifestation à caractère non lucratif ou de sensibilisation comme vous le dites. En revanche, le secteur apporte son appui aux artistes qui veulent s'entraider. Il y a plus de deux ans, j'ai été sollicité via une section syndicale qui s'était penchée sur la culture pour honorer et aider un artiste local de malouf. Sinon, pour le reste, mon organisme n'a été destinataire d'aucun plan de travail dans ce sens», avouera le directeur de la culture de wilaya. Ce témoignage vient étayer la faible mobilisation aussi des associations culturelles locales qui courent après les subventions et la reconnaissance officielle, alors que l'art en général, et notamment celui «engagé» ne se décrète pas. Il s'exprime là où il y a un malaise ! Son artiste doit mettre son talent au service d'une cause. Loin des feux de la rampe, où il est applaudi pour une prouesse. Mais une prestation pour une cause a souvent plus de valeur qu'un cachet. Malgré les centaines d'associations et le nombre ahurissant d'artistes, la scène de solidarité à Constantine est en berne. Là aussi notre même interlocuteur affirmera qu'«il est prêt à dégager les moyens pour encourager ce genre d'initiatives», pour peu que les artistes se manifestent et disent leur volonté d'apporter leur contribution à une action sociale et leur intention de mettre leur art au service de la société. L'ouverture universelle ne se limite nullement à l'impact des éventuels desseins. Constantine, à l'instar des autres régions du pays, qui est riche par sa musique et sa littérature, tournerait-elle le dos aux SOS ? Ou s'agirait-il d'une simple passivité ? Personne n'ose s'aventurer à apporter une réponse. «C'est comme ça et c'est tout», nous dit-on. Finalement, l'engagement artistique à Constantine, jusqu'à preuve du contraire, attend toujours rémunération. La générosité est la grande absente dès lors que les cachets sont à chaque fois revendiqués. L'art se paye certes. Mais il ne faut pas qu'il soit aussi gourmand. Chanter ou écrire en pensant à ceux qui ont le ventre vide, sont malades, souffrent... est sans doute une des caractéristiques nobles des artistes, au sens plein du terme. N. H.