La situation en Centrafrique n'est pas à l'apaisement. La sécurité du pays se dégrade de jour en jour sans que l'on comprenne la réalité des problèmes. Ce qui s'apparentait au début à une désobéissance civile et à une prise de pouvoir des groupes armés s'est transformé rapidement en nettoyage ethnique. Du jour au lendemain, la majorité chrétienne, ne supportait plus la minorité musulmane. On reproche à cette dernière d'avoir été protégée par les ex-Séléka et les Tchadiens contre les chrétiens. Retour de manivelle, les chrétiens forts de la présence des soldats français se sont adonnés à un véritable pillage et une revanche qui ne dit pas son nom. Les musulmans à leur tour accusent les chrétiens de traîtrise et de s'abriter derrière les forces françaises et africaines déployées dans la région depuis le début du mois. Cette situation sécuritaire précaire ne cesse de s'aggraver. Si l'on croit les déclarations du ministre français de la Défense, en visite hier au pays. La France, qui a envoyé ses soldats à Bangui la semaine écoulée, n'a pas réussi encore à réinstaurer la paix qu'elle s'était fixée comme objectif. Selon lui cette situation risque d'entraîner une crise humanitaire. «La spirale de l'affrontement s'est brutalement aggravée ajoutant à la crise sécuritaire les prémices d'une crise humanitaire», a affirmé Jean-Yves Le Drian, lors d'un discours devant 200 soldats français. Qualifiant la Centrafrique de «pays à la dérive», M. Le Drian a prévenu des risques «d'anarchie», insistant sur le fait que la situation pouvait «déstabiliser toute la région en attirant des groupes criminels et terroristes». Avec l'objectif avoué d'entamer un travail de réconciliation entre les communautés, des chefs musulmans et chrétiens se sont retrouvés ce matin sous un petit hangar du commissariat du 3e arrondissement, à proximité du marché de PK5 (point kilométrique 5), l'un des poumons économiques de la capitale, où tous les commerces, essentiellement tenus par des musulmans, sont toujours fermés. Les chrétiens ont, eux, déserté ce quartier après avoir pillé les commerces et même les mosquées. Le discours se veut apaisant. «Il faut que, ensemble (chrétiens et musulmans), nous indiquions les personnes qui agissent contre la paix. Il faut dire non à ces personnes», déclarait ce matin Ahmat Deliris, le deuxième vice-président de la communauté musulmane de la RCA. A peine la réunion terminée, toutes ces bonnes paroles se sont rapidement envolées et le discours a connu une sérieuse évolution. On affirme que des militaires de l'ancien président Bozizé et des anti-Balaka se cachent dans les églises. Dans tout cela la population est terrorisée et ne cherche que les moyens de fuir cette zone de conflit. Jusqu'à hier les organisations humanitaires ont recensé environ 110 000 déplacés fuyant les violences vivant dans des camps dans des conditions très précaires à Bangui. Autour de Bossangoa (nord-ouest), où se sont déployés les militaires français, on compte également plusieurs dizaines de milliers de déplacés dans des camps. La France a déployé 1 600 hommes en Centrafrique dans le cadre de l'opération Sangaris, pour tenter de mettre fin aux exactions des groupes armés et tenter de stabiliser le pays. Deux soldats français ont été tués lundi, quatre jours après le début de l'opération, lors d'un accrochage à proximité de l'aéroport. R. I.