Très attendue de la part des passionnés du 4e art, la générale de la pièce Saâ sifr (heure zéro), de la coopérative culturelle El Anis de Sétif, a été présentée samedi dernier sur les planches du Théâtre national. Ecrite par l'artiste El Amri Kaouane, connu pour ses œuvres à l'humour décapant, la mise en scène est assurée par le jeune et talentueux Faouzi Ben Brahim, un artiste qui a su imposer son style décalé et avant-gardiste malgré son jeune âge. Saâ Sifr est, comme la réunion de ces deux hommes dans une seule œuvre le prédit, une comédie populaire qui traite du thème du choc des mentalités et des paradoxes qui existent dans notre société, une société déchirée entre le conservatisme et le modernisme. Sur scène, deux hommes, Karim (Mohamed Ben Daoud), un jeune médecin moderne, et Hamoudi (El Hani Mahfoud), un quinquagénaire rustre de l'ancienne école. Les deux hommes sont dans un bar, seuls, n'ayant pour compagnon qu'un journal. Les deux hommes ont été rejetés par leurs épouses. Le débat commence par un sympathique malentendu, Karim est au téléphone avec sa femme tentant une ultime réconciliation tandis que Hamoudi lui réclame le portable pour parler à sa femme. Karim ne comprend pas et tente de faire comprendre à Hamoudi qu'il s'agit de sa femme à lui, Zahira, et non pas la sienne. Hamoudi ne veut rien comprendre, il veut parler à sa femme ! Ce n'est qu'après une longue dispute que Hamoudi explique qu'il veut seulement emprunter le téléphone et non pas parler à la femme du médecin. Après ce clash, les choses se calment, les deux hommes sympathisent et commencent à se confier. Karim est au bar car sa femme l'a renvoyé de la maison, parce qu'il a oublié de lui offrir une rose le jour de la St Valentin, tandis que Hamoudi est au bar pour échapper à sa femme cupide qui ne cesse de lui réclamer de l'argent. De confidence en confidence, on constate que les deux hommes sont complètement opposés. Karim est un homme moderne qui fait son possible pour combler sa femme et sauver son couple tandis que Hamoudi est un conservateur qui n'aime pas trop parler. Les choses se corsent entre les deux, surtout lorsqu'ils débattent du thème de la séduction, chacun a sa technique. Véritable régal, la pièce a vraiment séduit le public, qui riait aux larmes et applaudissait à chaque tableau. Avec un texte écrit en arabe dialectal, El Amri Kaouane a trouvé un moyen infaillible pour toucher les gens : l'autodérision. Quant à Faouzi Ben Brahim, il a su, pour sa part, présenter une comédie loin des clichés et, surtout, de haut niveau. Avec des personnages atypiques et caricaturaux, Saâ Sifr est une pièce inspirée de la société, elle est authentique et respire la réalité. Elle nous met face à deux hommes issus de générations différentes qui vivent dans une société paradoxale. La femme, pour sa part, est omniprésente dans cette pièce, on ne la voit pas mais on parle beaucoup d'elle, seuls ses pas résonnent dans la salle. W. S. M.