«À eux quatorze, ils ne feraient pas une tierce !» C'est happé en plein vol au comptoir d'un café. C'est la réflexion faite par un lecteur d'un quotidien national. N'était la licéité des lieux, cette réflexion aurait eu du mérite à ouvrir la voie à des «brèves de comptoir» dans une version locale. Elle n'en démérite pas moins, et certainement mieux encore, elle a vraiment du mérite parce qu'elle vient confirmer tout haut ce que tout le peuple pense tout bas, voire qu'il n'ose même pas y penser parce que gamberger sur un tel sujet corrode les neurones plus qu'ils ne les usent. Ledit peuple a d'autres préoccupations et le signal lancé le 17 avril dernier sous la forme d'une abstention presqu'égale à la participation ne l'a pas été seulement au gagnant, mais à l'ensemble de la classe politique. «Non, mais... moi, je les découvre ces partis politiques», a pensé à haute voix le lecteur en question se tournant comme en quête d'une communion d'idées vers le reste des consommateurs lesquels, entre deux gorgées d'un douteux breuvage contenu dans un minuscule gobelet en carton-pâte, étaient tout à fait ailleurs, l'esprit forcément occupé par d'autres petits soucis. Cela ne l'arrêtera pas pour autant dans son raisonnement intellectuel couplé à un exercice d'hygiène morale : «Non, mais... franchement, El âad'l oua el bayan, le Courant démocratique libre, l'Union des forces démocratiques, l'Algérie nouvelle, Parti national algérien, Front national des libertés, El wassatiyin, Mouvement national de l'espoir, Mouvement el infitah, Front ennidhal el watani, Fedjr el jadid, Islah el watani... tout cela existe vraiment ?» Pour exister, ils existent... sur le papier. L'un des candidats à la dernière élection présidentielle, en l'occurrence Ali Benflis, aurait mis en place un nouvel agrégat politique appelé «Force du changement». Grand bien fasse à tout homme qui appelle au changement en politique parce que celui-ci (changement) est par excellence synonyme de dynamique. Et en politique la dynamique est un ingrédient essentiel pour ne pas verser dans l'ennui, la routine ou plus grave encore la lassitude. Et ce n'est certainement pas au nombre de formations politiques, dont les animateurs gagneraient à prouver leur existence sur le terrain autrement qu'en occupant à longueur de semaine les journaux pour y jouer les Tartarin du landernau, que se détermine la valeur. Cette constellation de partis politiques a émis des réserves sur tout ce qui est politique sur le plan national, elle considère également que la dernière élection présidentielle relève du hold-up comme elle ne reconnait aucune légitimité au pouvoir en place. C'est évidemment un droit que nul ne lui contesterait. Sauf que refuser de participer à toute action politique, laquelle serait conditionnée par une légitimation effective de celui qui, alors, exercerait le pouvoir, et exiger dans la foulée l'ouverture d'un dialogue national auquel seraient associées toutes les parties prenantes engagées dans l'avenir du pays, mérite, voire imposerait quand même, un temps d'arrêt sur la feuille de route qu'ils auraient à proposer, sachant qu'il parait pour le moins hypothétique de voir l'esquisse d'une quelconque stratégie globale de nature à tirer le pays vers le haut sinon de le sortir de l'immobilisme qu'ils dénoncent. C'est un peu comme ces intellectuels qui, dénonçant l'idée d'un 4e mandat, se sont dits animés par la volonté d'agir pour éviter le pire au pays et surtout ont affirmé leur refus de rester inactifs, mais qui, très vite, ont refréné leurs ardeurs pour retrouver leur confort habituel. Morale de l'histoire : que toute cette agitation ne se dissolve pas dans l'air pour être seulement au rendez-vous lors d'autres élections, lesquelles seront avant, pendant et après dénoncées. Car, si à quatorze il n'est pas facile de faire une tierce, il relève de la gageure de faire une quinte flush royale. A. L.