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RDC : la fin du règne de Joseph Kabila ?
Les déclarations américaines sur l'avenir de Kinshasa créent la surpri
Publié dans La Tribune le 06 - 05 - 2014

Le secrétaire d'Etat américain, John Kerry, en République démocratique du Congo (RDC) n'est pas passé inaperçu, aussi bien à Kinshasa qu'ailleurs, dans un contexte régional marqué par une chronique instabilité politico-sécuritaire à travers toute la sous-région de l'Afrique centrale. Ce n'est pas tant son déplacement qui a suscité une pluie de commentaires dans les médias locaux mais plutôt ses déclarations qui ont surpris plus d'un. L'envoyé spécial de Barack Obama a signifié à l'actuel homme fort de la RDC, Joseph Kabila, que Washington souhaiterais bien le voir partir sans encombres. «Je crois que le président Kabila a clairement en tête le fait que les Etats-Unis d'Amérique sont intimement convaincus que le processus constitutionnel doit être respecté», a ouvertement déclaré John Kerry lors d'un point de presse organisé à Kinshasa en marge de sa visite dimanche. L'actuelle Constitution interdit en fait à Joseph Kabila, à la tête du pays depuis 2001, de briguer un troisième mandat. Son règne devra prendre fin en 2016, mais ses partisans souhaiteraient bien qu'il continue à gouverner un pays qui n'est pas totalement sorti du chaos et qui fait toujours face à des mouvements de rébellion ininterrompus dans ses provinces de l'est frontalier avec le Rwanda et l'Ouganda, deux pays soupçonnés de chercher à le déstabiliser constamment. Pour M. Kerry, assurer l'alternance au pouvoir à Kinshasa est la seule manière de faire sortir la RDC de la crise et d'assurer une meilleure reconstruction de l'Etat. «C'est ainsi que l'on renforce un pays. Je n'ai aucun doute sur le fait que l'héritage du président Kabila sera défini par les progrès qu'il a faits, en particulier l'année dernière, en vue de la résolution de la question sécuritaire dans l'est du pays, et sur le plan économique», a insinué le chef de la diplomatie américaine dont le pays veut garder son influence et l'agrandir dans ce pays. «Joseph Kabila est un homme jeune qui dispose encore d'un temps considérable pour apporter sa contribution à son pays», a-t-il ajouté pour ne pas froisser la sensibilité du président congolais qui a en effet l'intention de briguer un troisième mandat, sous prétexte qu'il a une mission à finir et une œuvre de reconstruction à accomplir, au nom de l'héritage politique que son père, Laurent-Désiré Kabila, lui a légué avant son assassinat en 2001. La presse congolaise estime qu'il pourrait y avoir des «garanties» qui ont été données à Joseph Kabila pour qu'il ne fasse pas de «coup d'Etat constitutionnel». Autrement dit, M. Kabila aurait peut-être eu des garanties pour son retour au pouvoir après la fin du prochain mandat de son successeur qu'on devrait connaître en 2016, si le pays demeure stable d'ici deux ans. L'opposition ne croit pas trop à un tel scénario et pense que Joseph Kabila «a des capacités phénoménales pour rebondir». Mais dans ce jeu de pouvoir, la RDC n'est pas déconnectée du reste du monde et les affaires internes sont soumises aux bouleversements régionaux et internationaux, de même qu'aux intérêts stratégiques des grandes puissances, dont les Etats-Unis justement. Les Etats-Unis ont été derrière la majorité des coups d'Etat qu'a connus la RDC depuis son indépendance de la Belgique en 1960. Washington a besoin des minerais exploités dans le Nord-Kivu où l'instabilité demeure depuis plus d'un an. Si d'apparence, le président Obama et ses prédécesseurs ont montré peu d'intérêt pour ce pays et ses voisins, dans les coulisses Washington a toujours su garder son influence et sa place. La méthode pour garder la main sur une partie du coltan dont son industrie a besoin, Washington octroie une aide financière à la RDC, accompagnée évidemment de pressions politiques sur le gouvernement de Kinshasa. La RDC concentre à elle seule 70% des réserves mondiales de coltan. Il est donc tout à fait naturel que les Etats-Unis continuent à exercer leur pression sur les dirigeants de ce pays dont l'accession au pouvoir s'est toujours déroulée grâce et avec la bénédiction des laboratoires de la CIA, donc de l'intérêt suprême des Etats-Unis. Le discours de John Kerry à Kinshasa pourrait-il se résumer seulement à une invitation à Joseph Kabila à quitter le pouvoir en 2016 ? Sûrement pas. Les Etats-Unis négocieraient peut-être l'obtention de nouveaux marchés miniers en RDC, en faisant pression sur Kabila pour qu'il mette fin à la rébellion dans le Nord-Kivu qui ternit beaucoup son image d'homme du consensus ? Possible, estiment certains journalistes de la presse congolaise. Par ailleurs, ce qui est certain, aux yeux des politiques congolais, c'est que Joseph Kabila pourrait maintenir son projet de briguer un troisième mandat si, lui aussi, offrait des garanties aux Américains qui pourraient toujours fermer les yeux quand leurs intérêts sont mis en jeu. Avec la volonté chinoise de conquérir l'Afrique, Washington pourrait, d'ici deux ans, céder aux vœux de Kabila de prolonger son règne au-delà de son deuxième mandat qui expire en 2016.
L. M.

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