«Etre ou ne pas être, là est la question», écrivait en 1600 le grand William Shakespeare dans sa célèbre pièce Hamlet. Une méditation sur la vie et sur la mort qui se pose avec acquitté aujourd'hui aux 22 membres de la Ligue arabe. Incapables de mettre fin au sempiternel martyre du peuple palestinien, aujourd'hui ils ne sont même plus capables de se réunir pour soutenir, ne serait-ce que verbalement, LA CAUSE. Celle qui a toujours été la leur. Du moins, celle de leurs peuples. Jamais, les Arabes n'ont montré à la face du monde un visage aussi pâle et pitoyable que celui qu'ils offrent depuis le début de l'agression barbare des Israéliens contre Ghaza. Trois semaines se sont écoulées, avant que 12 pays n'acceptent, enfin, l'invitation de l'émir du Qatar pour débattre de la question. Les 10 autres ont détourné leurs yeux de Doha. Entre ceux qui lorgnent du côté de Washington et ceux qui attendent le feu vert de l'Arabie saoudite et de l'Egypte pour accepter une quelconque initiative honteuse, le nombre des martyrs a excédé les 1 200, celui des blessés avoisine les 6 000 et le silence arabe fait pâlir de jalousie celui des cimetières de Ghaza pilonné par l'armée sioniste. «Le quorum n'est pas atteint», «ce sommet n'a pas lieu d'être» ou «le sommet de Doha consacre les divisions arabes», décrétait encore Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe. En réel ministre des Affaires étrangères égyptien, l'ancien porte-parole de la diplomatie égyptienne n'a pas cessé de dresser la liste des présents et des absents pour crier, à chaque fois, que le sommet de Doha était informel. Même le président de l'Autorité palestinienne, dont le mandat a expiré le 9 janvier dernier, n'a pas osé répondre à l'invitation qatarie. Au moment où le représentant du Hamas défendait avec brio la résistance de toutes les factions palestiniennes pour défendre le droit de leur peuple à vivre avec dignité, M. Abbas a préféré briller par son absence. Selon le Premier ministre du pays hôte du sommet, «le frère Abou Mazen» aurait évoqué «des pressions» qui l'empêcherait de répondre à toute autre initiative que celle que chapeaute le président égyptien Hosni Moubarak. L'Arabie saoudite, elle, préfère attendre les résultats de la médiation égyptienne. Quant aux pays qui ont accepté de participer au sommet de Doha avant de décliner l'invitation, ils ne méritent même pas qu'on s'arrête sur les motivations de leur volte-face. La décision d'un Etat doit être assez réfléchie pour refléter le sérieux et l'inflexibilité de ses prises de position. Le fait qu'un Etat accepte une offre pour se rétracter le lendemain ne peut que renseigner sur sa dépendance et sa faiblesse. Et pendant que les Arabes n'arrivent toujours pas à mettre de l'ordre dans leur cuisine interne, l'entité sioniste ne perd pas de vue ses objectifs suprêmes. Elle envisage, de plus en plus sérieusement, de réoccuper Ghaza une nouvelle fois. Et pourquoi pas pour toujours ? Qui pourrait l'en empêcher ? Condoleezza Rice, la secrétaire d'Etat américaine, n'a-t-elle pas catégoriquement refusé la présence de Amr Moussa, représentant de la Ligue arabe, pourtant membre observateur à l'ONU, au débat consacré à la situation à Ghaza au Conseil de sécurité ? C'est dire le mépris, tout le mépris que l'on porte à une organisation incapable d'avoir une position commune sur un problème aussi crucial. Les Etats-Unis, qui se sont assurés le silence de certains régimes arabes, défient effrontément la communauté internationale de prendre n'importe quelle décision qui desserve les intérêts de l'entité sioniste. Les pays arabes, quant à eux, continuent à s'entredéchirer et à s'accrocher à des chimères, chacun selon sa crédulité. Amr Moussa, lui-même, a reconnu, vendredi dernier, l'impuissance de l'organisation, donnant pour explication la cacophonie qui y règne. Il a avoué que cette dernière «est en train de couler ou a carrément coulé» avant de poser la question fatidique : «Je me demande si elle peut-être sauvée et comment ?» La réponse semble être toute faite. Si un événement aussi tragique que celui de Ghaza n'a pas pu mobiliser une telle organisation, que fédère encore la Ligue arabe ? Des questions économiques pour des pays totalement dépendants du pétrole ou des dons américains ? Quelle indépendance de décisions politiques ou économiques peut enfanter une telle organisation ? La Ligue arabe n'a plus raison d'être. Elle a choisi de ne pas être. Elle a bel et bien été enterrée avec les caravanes de martyrs du nouvel holocauste à Ghaza. G. H.