Les pays du Proche-Orient s'engouffrent de jour en jour dans l'abîme sécuritaire qui constitue une réelle menace pour la stabilité régionale, mais aussi mondiale. Irak, Syrie, Yémen, Liban, Palestine et à un moindre degré (pour le moment) la Jordanie, sont assis sur un brasier sur lequel souffle le vent du chaos, de plus en plus fort. Ce qui était considéré comme une brève tempête sur le régime de Damas, sur laquelle médias et gouvernements occidentaux ont parié sur une chute rapide de Bachar al-Assad, s'est muée en un ouragan. Aujourd'hui, le pays fait face à la menace de l'Etat islamique qui contrôle une grande partie de l'est frontalier avec l'Irak. L'Irak est dans la même spirale de la violence qui a provoqué terreur et désordre dans le nord-ouest du pays. Pis, la guerre menée par l'Etat islamique en Irak et au Levant (Eiil), dont le chef est apparu dimanche dans une vidéo pour la première fois, a réveillé les velléités séparatistes des Kurdes qui comptent organiser prochainement un référendum pour l'indépendance du Kurdistan irakien (nord-est). Malgré l'opposition affichée des Etats-Unis et de ses alliés à l'encontre de l'initiative kurde, l'Histoire semble reprendre ses droits dans un pays où sunnites et chiites ont déterré la hache de guerre depuis l'invasion des troupes américaines de l'Irak en 2003, au nom de la lutte anti-terroriste contre Al-Qaïda. Cette opposition chiite-sunnite bouleverse aussi un des pays les plus pauvres de la région : le Yémen. Loin de la couverture médiatique de masse, le pays est menacé de partition au même titre que l'Irak où le contrôle des richesses pétrolières mobilise plus d'énergie et de moyens que les dizaines de vies humaines qui périssent quotidiennement depuis une décennie. Sanaa n'a pas échappé à la vague des «révolutions populaires», communément appelées «le Printemps arabe». Et elle n'a pas aussi échappé à la désillusion qui a frappé son peuple, comme ceux de Libye, de Syrie ou encore d'Egypte où l'armée a repris les commandes quatre ans après la chute de l'ancien président Hosni Moubarak. Le départ de l'ancien régime de Sanaa, dirigé jusqu'à fin 2011 par Ali Abdellah Salah, a ouvert une brèche aux terroristes d'Al-Qaïda qui ont renforcé leur présence dans le sud-ouest du pays et qui s'adonnent régulièrement à des attaques contre des positions stratégiques de l'armée yéménite. Plusieurs officiers ont péri lors de ces attaques surprises et des embuscades tendues par la branche locale d'Al-Qaïda dans la Péninsule arabique. Outre la volonté des Yéménites du sud à retrouver leur indépendance, après deux décennies d'une union politique avec les Yéménites du Nord, Sanaa est confrontée à l'offensive des rebelles houthis (chiites), dans le nord-ouest frontalier avec l'Arabie saoudite, pays aux liens et soutiens avérés avec les groupes djihadistes sunnites dans la région et même en Afrique où Riyad cherche à promouvoir son idéologie obscurantiste wahhabite. Hier, la presse yéménite a fait état de la mort de dizaines de personnes lors des combats opposant l'armée aux rebelles chiites qui auraient pris les armes pour étendre leur territoire et asseoir leur influences dans la région, en prévision d'un rééquilibrage des pouvoirs dans le futur gouvernement de Sanaa. Epargnée jusque-là par le printemps arabe, la Jordanie demeure néanmoins dans une situation précaire. Ce petit pays, frontalier avec Israël et la Syrie est mal vu par Tel-Aviv et Damas qui le soupçonnent de servir de passoire pour les djihadistes de l'EI, de l'Eiil et même des militants du Hamas palestinien. Au milieu de ce volcan, le conflit israélo-palestinien n'est pas pour rassurer les pays voisins, qui observent avec inquiétude le développement de la situation. Parmi ces pays, il y a la Turquie et l'Iran particulièrement, dont le rôle de faiseurs de paix est devenu plus qu'important pour éviter un embrasement généralisé de la région. L. M.