Les images du désespoir palestinien n'ont cessé de défiler sur nos écrans télé comme elles n'ont pas cessé de noircir les pages de nos quotidiens depuis le début de la guerre. Des images un peu trop rouges, un peu trop noires. Tellement qu'elles en devenaient insupportables à la vue. Plus le spectacle devenait horrible et plus on a appris à détourner le regard. On condamne et on s'emporte avant de fermer les yeux très vite et de laisser notre révolte se transformer en impuissance muette, une impuissance qui pourrait presque ressembler au renoncement. Mais non. C'est peut-être pour cette raison que la galerie Racim d'Alger était quasi déserte hier après-midi, un jour après le vernissage de l'exposition «Ghaza. Le cri silencieux» de l'artiste Kerkebane Sahraoui Karima. Il est vrai que les Algériens ne sont pas de grands adeptes de l'art mais cette exposition n'avait rien pour leur donner envie de la voir. Oui, pourquoi aller contempler un spectacle de détresse qui dépasse tout entendement quand on sait qu'on ne peut rien y changer ? Pourquoi se remplir les yeux du malheur de ceux pour qui on ne peut rien d'autre que de la compassion ? Et pourtant cette exposition part d'une intention louable : elle est un message de solidarité, un témoignage de l'indicible drame palestinien vécu depuis des décennies mais qui a atteint son comble en ce mois de janvier. 39 œuvres suspendues aux murs de la galerie : du noir, du blanc et du gris pour dessiner des visages qui hurlent sans faire sortir le moindre son, des silhouettes qui s'agitent sans faire le moindre geste, des corps, des expressions qui dégagent tous une même détresse, qui parfois prennent des accents de peur désarmante et d'autre fois d'horreur poignante. Il faut dire que la technique du dessin au fusain et le style figuratif épuré de l'artiste l'ont aidé à mieux témoigner du malheur ghazaoui : des traits dépouillés mais terriblement expressifs. Cette exposition, dont le produit de la vente des tableaux sera intégralement versé au profit des enfants de Ghaza, aurait été tellement essentielle et troublante si elle avait été programmée dans des espaces fréquentés par les grands décideurs de ce monde. Elle aurait peut-être permis d'éveiller un brin d'humanisme dans leur conscience somnolente. Mais elle n'en est pas moins utile à Alger où elle est une autre déclaration de soutien indéfectible à la cause palestinienne. F. B.