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Les relations internationales ne sont pas un jeu
Réponse d'un haut fonctionnaire du MAE algérien aux errements frénétiq
Publié dans La Tribune le 09 - 08 - 2014


Par un Haut fonctionnaire au MAE
Lors d'un récent passage sur le plateau d'une télévision étrangère le ministre
marocain des Affaires étrangères Salah-Eddine Mezouar, l'œil tout attendri à l'évocation de son passé de joueur de basketball de niveau international, a épilogué sur l'art de dribbler en politique sans que l'on sache exactement si c'est le responsable de parti, rompu aux intrigues politiciennes, ou le chef de la diplomatie qui s'exprimait ainsi.
Toujours est-il qu'en ce qui concerne le dossier algéro-marocain le ministre, pris dans le tourbillon d'une fuite en avant caractérisée où l'offense s'ajoute à l'outrage, multiplie les dribbles disqualifiant qui, dans son sport favori, sont sanctionnés par des lancers francs qu'il me plaît de lui retourner comme autant de boomerangs pour lui rafraîchir la mémoire et l'aider à parachever ses classes en Diplomatie.
1er lancer franc : relations bilatérales
Dans ses relations avec le Royaume du Maroc, l'Algérie a sans cesse déclaré et prouvé sa disponibilité à relancer et à développer les liens de coopération au
service des relations de fraternité et de bon voisinage avec le Maroc, auxquelles elle est attachée.
L'évocation sournoise de l'épisode d'Amgala pour lequel le ministre marocain accuse l'Algérie d'avoir armé et pris part aux affrontements qui ont opposé, en 1976, les forces marocaines au Front Polisario, participe de cette démarche propagandiste et insidieuse visant à faire passer l'Algérie pour l'agresseur.
Ce faisant, ce diplomate omet de mentionner «la guerre des sables», en 1963, où l'Algérie a dû repousser les assauts expansionnistes de l'armée marocaine tout comme il n'a pas été non plus en mesure d'établir une quelconque responsabilité de l'Algérie dans les affrontements entre les forces armées royales et le Front Polisario qui, soit dit au passage, se sont déroulés sur le territoire sahraoui, et le rôle de l'Algérie s'étant limité à fournir aux réfugiés sahraouis nourriture et assistance médicale.
Ensuite, le ministre marocain, passant maître dans l'art de la duperie et de la manipulation, s'est une nouvelle fois fourvoyé en invoquant la responsabilité exclusive de l'Algérie dans la fermeture des frontières en 1995.
Aurait-il oublié que le Maroc a été le premier à attenter à la dignité de l'Algérie et de ses enfants. Les autorités marocaines avaient accusé l'Algérie d'être derrière l'attentat qui a ciblé, en août 1994, un hôtel à Marrakech alors que l'Algérie faisait face à des actes terroristes d'une extrême sauvagerie.
Une véritable chasse aux Algériens avait été organisée au lendemain de cet
événement. Elle s'est traduite dans un premier temps par l'instauration de visas pour les Algériens désirant se rendre au Royaume. Des dizaines d'Algériens ont ainsi été chassés de leurs hôtels et expulsés manu militari sans ménagement, tandis que des centaines ont affirmé avoir subi des brutalités de la part des services de police marocains.
Aurait-il oublié également qu'au moment où l'Algérie entamait un processus de
normalisation de ses relations avec le Maroc, en décidant de dépêcher en 2005 une délégation conduite par l'ancien chef du gouvernement algérien, M. Ahmed Ouyahia, accompagné d'une délégation comprenant plusieurs ministres, le ministère marocain des Affaires étrangères a rendu public, la veille, un communiqué dans lequel il a fait comprendre clairement que le chef du
gouvernement algérien n'était pas le bienvenu au Maroc. S'agissant de la
situation «étrange» qui prévaut au niveau des frontières, les responsables marocains ne doivent pas, inutilement, simuler l'amnésie car les choses sont on ne peut plus claires : arrêt de la campagne de dénigrement contre l'Algérie, coopération efficiente et de bonne foi pour stopper les flux massifs de drogues et se résoudre, une fois pour toutes, à accepter que l'Algérie ne reniera pas sa
position de principe qu'elle n'a eu de cesse de proclamer depuis le début, à savoir que la question du Sahara occidental est une question de décolonisation qui relève de la responsabilité des Nations unies et qu'elle doit y suivre son cours imperturbable pour trouver une solution conforme à la légalité internationale. Il est vain de mettre cette question au cœur de la relation bilatérale comme se plaît à le faire Mezouar, car la position algérienne, qui rejoint celle de la communauté internationale, est inflexible.
2e lancer franc : la construction maghrébine
C'est à la faveur de la reprise des relations diplomatiques, le 16 mai 1988, scellée par un communiqué commun par lequel les deux parties soulignent leur appui à un «référendum d'autodétermination se déroulant dans une sincérité absolue sans contrainte d'aucune sorte», suivie le 5 juin de la même année par la réouverture des frontières, que s'est tenue, le 10 juin 1988, le Sommet de Zéralda.
Ce Sommet a été une étape cruciale dans la fondation de l'UMA et qui a consacré l'acceptation solennelle par la partie marocaine du découplage du processus de l'intégration maghrébine et du réchauffement des relations bilatérales de la question du Sahara occidental qui, elle, doit rester du ressort des Nations unies en tant que question pendante de décolonisation. C'est sur cette base clairement établie et acceptée par les autorités marocaines que l'acte constitutif de l'UMA a été signé le 17 février 1989 à Marrakech.
En violation de cet accord, c'est le Maroc, et non l'Algérie, qui a pris l'initiative de geler les activités de l'UMA par une lettre adressée, en décembre 1995, par son ministre des Affaires étrangères de l'époque, Abdelatif Filali, à ses homologues maghrébins, qui prétendait répondre par cette action à une correspondance du ministère algérien des Affaires étrangères au Secrétaire général des Nations unies sur la question des électeurs éligibles au
référendum d'autodétermination, démontrant ainsi à quel point le royaume chérifien était attaché à l'unité maghrébine ! À cela vient s'ajouter un autre fait indéniable que même le ministre marocain des Affaires étrangères, pour qui l'Algérie est devenue une obsession maladive, ne peut nier. Le Maroc, si attaché à l'édification du Maghreb Arabe, n'a ratifié que 9 instruments sur les 37 accords et protocoles adoptés par l'UMA. L'Algérie, qui selon le Maroc, aurait «mis au placard» le processus d'intégration maghrébine et s'emploie à freiner sa «marche inexorable vers l'unité», en a ratifié 29.
3e lancer franc : la question du Sahara occidental.
Feignant d'ignorer l'existence d'une doctrine des Nations unies en matière de décolonisation, le Chef de la diplomatie marocaine a fait étalage de son ignorance des principes auxquels son pays a pourtant souscrit en devenant, bien avant l'Algérie, membre de l'ONU.
En effet, il est utile de rappeler à cet illustre diplomate que cette doctrine est consacrée par la clarté de l'énoncé de la Charte des Nations unies qui dispose que, parmi les buts de l'ONU, figure celui de «développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes» (article
premier, paragraphe 2).
Sur cette base, les Nations unies ont, depuis 1966, et avec une remarquable constance, défini le processus de décolonisation applicable au Sahara occidental, conformément à la déclaration 1514 (XV) du 14 décembre 1960 sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Elles ont également défini la méthode à suivre pour la décolonisation rapide et
préconisé une consultation de la population autochtone au moyen d'un référendum
organisé sous les auspices et le contrôle des Nations unies.
Par ailleurs, la Cour Internationale de Justice rappelle, dans son avis consultatif du 16 octobre 1975, que le principe de libre autodétermination doit s'appliquer immédiatement à toutes les situations coloniales (paragraphe 55 de l'avis consultatif sur le Sahara occidental). Et la cour de conclure que le processus de décolonisation envisagé par l'Assemblée générale de l'ONU est un processus qui respectera le droit des populations du Sahara de déterminer leur statut politique futur par la libre expression de leur volonté. Ce droit à l'autodétermination n'est pas modifié par la requête pour avis consultatif et constitue un élément de base des questions adressées à la cour par l'Assemblée générale. Le Maroc traverse un moment des plus délicats dans sa quête de maintenir le statu quo au Sahara occidental. Pour la énième fois, le gouvernement marocain mène une large campagne contre l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, le chevronné diplomate américain, Christopher Ross, pour le pousser maladroitement à la sortie, pratique désormais connue qui rappelle l'épisode de James Baker, dont la démission a réjoui le Maroc.
Il est malheureux de constater que les relations bilatérales algéro-marocaines et la construction maghrébine ont fait les frais de la stratégie de la tension et de la politique de la rupture que nos voisins marocains
entretiennent savamment et cultivent avec une rare constance pour tenir en otage la destinée des peuples maghrébins avec le vain espoir de voir l'Algérie renier sa position de principe sur la question du Sahara occidental qui est conforme, je le précise, à la stricte légalité internationale.
En guise de conclusion
Comment expliquer sinon, cette peur panique du Maroc à l'approche de rendez-vous cruciaux, en octobre prochain et en avril 2015, où l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU, M. Christopher Ross, devra faire rapport au Conseil de sécurité sur la question du Sahara occidental dans le cadre de l'évaluation de tout le processus politique avec, a la clé, la possible redéfinition des paramètres devant guider la recherche d'une solution à la question du Sahara occidental qui soit en conformité avec la légalité internationale et qui
reléguerait aux oubliettes la thèse unilatérale et déséquilibrée de l'autonomie sur laquelle le Maroc a tant investi. C'est cette perspective douloureuse qui explique la rage et le désarroi de Mezouar qui en est réduit aux gesticulations paniquées et aux réactions hystériques visant à rendre l'Algérie responsable de l'impasse que connaît le processus de règlement de ce conflit et que tous les observateurs neutres imputent à l'entêtement du Maroc à faire entériner un fait colonial. Il est clair, que nulle fuite en avant ni aucune invocation «d'option périlleuse» ne pourront exonérer le Maroc de sa responsabilité, pleine et entière, quant à l'hypothèque de l'avenir de la région dont il sera seul comptable devant l'histoire.
N.B. : le titre de l'article est de la rédaction


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