Kamel Amghar Depuis l'antiquité, des siècles avant l'invention du concept moderne de démocratie participative, nos ancêtres avaient déjà mis en place les structures nécessaires pour se prendre en charge, veiller au quotidien sur la chose publique et débattre des problèmes de la communauté. Dans toutes les régions d'Algérie, les citoyens s'organisaient, depuis la nuit des temps, en assemblée de sages où siègent généralement les doyens de toutes les familles, appelée Thajmaâth, afin de faire face aux impératifs de la vie collective. Dans les villages comme dans le milieu urbain, les habitants constituent leurs conseils pour perpétuer la solidarité communautaire et solliciter l'assistance des pouvoirs publics en cas de besoin. La Kabylie est, sans aucun doute, la région qui a intégralement sauvegardé cet aspect séculaire de la représentation sociale. Dans chaque village, chaque hameau, Thajmaâth (l'assemblée), périodiquement réélue en assemblée générale avec un représentant pour chaque groupe familial, s'occupe en permanence des affaires locales dans leurs moindres détails. La réparation des routes, l'extension du cimetière, la restauration de la mosquée, le captage d'une source d'eau, la célébration de timechret, l'appel au volontariat, le soutien d'un grand malade, la sauvegarde de la moralité publique. Les missions de ces assemblées autonomes touchent à tous les secteurs de la vie. Cependant, c'est au niveau de la campagne que l'influence de ses structures est encore relativement intacte. L'avènement de la démocratie a débouché, au cours des années 1990, sur l'émergence des comités de villages ou de quartiers, souvent formés de jeunes lettrés et débarrassés des connotations claniques, avec l'ambition de se constituer en partenaires privilégiés des autorités locales (APC, daïra). Dès lors, du moins en Kabylie, on assiste à un partage tacite des charges. Thajmaâth s'occupe des litiges internes au sein même du village (médiation dans le règlement de conflits familiaux, actions de solidarités et respect de la morale), alors que le comité de village représente exclusivement ce dernier face aux pouvoirs publics. Il est vrai que dans les villes et les grands centres urbains, Thajmaât a aujourd'hui quasiment disparue. Pourtant, ces assemblées de sages réussissent souvent à étouffer les mésententes et les désaccords entre les différentes familles (litiges fonciers, brouilles de la vie quotidienne), évitant aux concernés de recourir à d'interminables procès judiciaires. De leur part, les comités de villages et de quartiers apportent un précieux concours aux autorités locales (APC, daïra) dans la gestion des affaires municipales. Les maires sollicitent fréquemment l'implication directe de ces comités pour définir leurs priorités et leurs attentes en matière de développement local. L'invite porte essentiellement sur le traitement des problèmes d'urgence et la répartition des programmes communaux de développement (PCD). Cette façon de procéder vise, selon les élus communaux, à situer les urgences de chaque hameau pour permettre aux élus de remédier au plus pressé. Il va sans dire que la consultation et le dialogue, ainsi engagés, participent aussi à instaurer davantage de transparence et prévenir les différends qui peuvent conséquemment surgir entre les administrés et leur tutelle. Saisissant l'importance de cette démarche dans la bonne conduite des affaires locales, certains maires, visiblement soucieux de leur image et de leur carrière, ont opté pour l'élection d'un conseil consultatif communal (3C) parmi les membres de tous les comités de villages de la circonscription. Ces fameux 3C assistent aux délibérations en qualité d'observateurs et se rendent comptent de visu des attitudes et des positions de chaque élu. Il va sans dire qu'il faut généraliser ces conseils à toutes les communes pour plus de transparence dans la gestion des deniers publics. Toutes les parties concernées (assemblée élue, administration et population) se doivent d'agir pour l'ancrage de ces nouveaux rapports entre responsables locaux et administrés. Le dialogue, la consultation et la transparence y gagnent au change. C'est très important. K. A.