Les Ecossais ont clairement dit non à l'indépendance, lors d'un référendum historique, mais le gouvernement central de David Cameron, déstabilisé, s'est empressé de promettre des pouvoirs accrus aux quatre nations constitutives du Royaume-Uni. Après des semaines d'intense suspense, le camp du «non» l'a emporté par 55,3%, devant le «oui», 44,7%. Témoin de l'engouement des électeurs, le taux de participation s'est établi à 84,6%, un record absolu. Ce résultat constitue une amère déception pour le Premier ministre de l'Ecosse, Alex Salmond, même si l'Ecosse hérite d'une autonomie accrue, et un immense soulagement pour le chef du gouvernement central David Cameron, mais qui l'a aussitôt conduit à octroyer des pouvoirs renforcés non seulement à l'Ecosse, mais aussi à l'Angleterre, au Pays de Galles et à l'Irlande du Nord. Le «ouf» était aussi perceptible chez nombre de dirigeants européens inquiets d'une contagion nationaliste, à Bruxelles, Paris, Madrid et, au-delà, à Washington ou Pékin. Le risque du «Oui» a créé la panique. En premier lieu, côté britannique - le pays, risquant d'être amputé d'un tiers de son territoire - mais aussi du côté de plusieurs autres pays qui avaient peur que cela ne fasse tâche d'huile, après le Monténégro, l'Ecosse, la Catalogne, la Flandre ou encore le Pays Basque pourraient aussi légitimement demander leur propre indépendance. En réalité, le «non» écossais est loin d'arrêter l'effet boule de neige. Juste le fait, d'avoir mené le débat et organisé un référendum sur l'indépendance est en soi provocateur du spectre de contagion. Surtout si l'on précise que l'Ecosse a peut -être voté «Non» pour le référendum, mais elle a aussitôt hérité d'une autonomie accrue. Ce qui risque donc d'encourager des velléités similaires à travers le Vieux Continent, où l'existence de nombreux mouvements séparatistes est avérée. En effet, ce qui vaut pour les Ecossais peut valoir pour les Bretons, les Alsaciens, les Basques, les Normands, les gens du Nord, les habitants de la Provence Côte d'Azur, les Corses, les Franciliens ou les habitants de l'ex-République des Escartons, les Allemands, les Espagnols et les Italiens. Eux aussi pourraient demander la séparation et l'indépendance de leur région à l'égard du pouvoir central pour obtenir plus d'autonomie. Avec une défaite qui talonne la victoire, les indépendantistes -écossais cette fois- ont fiché un coin et pourront revenir dans un proche avenir élargir la brèche. Les indépendantistes ont tout simplement enclenché une dynamique qui pourra aboutir, dans un avenir proche. Il faut donc s'attendre après le séisme politique qui a ébranlé l'Angleterre, à de multiples répliques. Déjà pour l'Ecosse, elle-même, dont le Premier ministre a déclaré avoir pris acte du fait que «l'Ecosse n'avait pas tranché en faveur de l'indépendance pour le moment», laissant la porte entrouverte à une autre consultation ultérieure, suivant en cela l'exemple des souverainistes québecois. Mais aussi ailleurs. À Bruxelles, les dirigeants européens n'ont pas caché leur appréhension face à la perspective d'une contagion nationaliste, de la Catalogne au pays Basque. «J'avoue : le résultat me soulage», a confié le président du Parlement européen, Martin Schulz. L'Espagne est «très heureuse», a concédé sans surprise le Chef du gouvernement Mariano Rajoy. Mais pourquoi cette inquiétude à Bruxelles, en Espagne et dans les capitales européennes, jusqu'à menacer de refuser l'adhésion à l'UE d'une Ecosse indépendante ? Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes fait-il autant peur aux pays qui se prennent pour des chantres de la démocratie ? En fait, tout le monde sait qu'un divorce, fut-il unilatéral, pose le problème du partage des investissements réalisés dans l'Union par l'un et l'autre des partenaires. Qu'un mouvement séparatiste redevienne un Etat souverain indépendant n'est pas anodin. Cet événement peut bouleverser la donne. Mais la fragmentation n'est pas une nouveauté et la majorité des Etats dans le monde ont une petite taille depuis que les grands empires ont implosé. Faut-il rappeler la dissolution de l'Union des républiques socialistes soviétiques (Urss), les guerres de sécession des années 1990 dans les Balkans avec le Kosovo, la Slovénie, la Croatie, le Monténégro, la sécession de la Transnistrie en Moldavie, de l'Ossétie du Sud en Géorgie aussi. Aujourd'hui, les Etats font toujours face à des mouvements séparatistes, que ce soit la Chine avec la Mongolie intérieure ou encore l'Afrique avec le Mali, le sud du Maroc, la Mauritanie, le Soudan du Sud, l'Erythrée ... Il semble que les temps changent et que l'avenir politique ne réside plus dans les Etats-nations. Un pas vers plus de libertés individuelles ? H. Y.