Photo : Zoheïr Par Kamel Amghar Le football, qui suscite partout les passions de larges franges populaires, s'industrialise aux quatre coins du monde. Ses images et ses produits dérivés rapportent annuellement des milliards de dollars aux organisations et aux ligues qui en ont la charge. Une multitude d'investisseurs et d'hommes d'affaires s'est naturellement greffée sur ce filon doré. Le jeu à onze, qui polarise l'attention de milliards d'êtres humains, devient ainsi une attraction et un loisir très courus. Si la discipline a beaucoup perdu de son cachet profondément «populaire», elle a, en revanche, beaucoup engrangé sur le plan des profits financiers et en matière de communication et de marketing. Les grands-messes du football, comme les trophées continentaux ou la Coupe du monde, passent aujourd'hui pour des événements planétaires de première importance. Les médias, les spécialistes et mêmes les politiques s'y intéressent de très près pour en tirer des profits divers. Les motivations diffèrent en effet d'un acteur à l'autre, mais le centre d'intérêt demeure le même : le spectacle et les résultats techniques qui déteignent immanquablement sur la sphère sociale. Les masses, comme les élites, aiment bien voir sur les arènes de foot un prototype des confrontations et des rivalités qui animent des nations et des pays entiers. Le ballon rond devient, conséquemment, un instrument de propagande et de diplomatie pour justifier des choix autrement plus lourds et redorer l'image des Etats qui s'en illustrent brillamment. Les groupes médiatiques et les grandes chaînes de télévision «bataillent» à chaque occasion pour rafler les droits de retransmission des compétitions. Les enchères ne cessent de monter, d'année en année, pour atteindre des sommets. D'énormes moyens techniques, de plus en plus développés, sont déployés pour couvrir tous les détails qui pimentent le show. Ainsi scénarisé, le football a son «box-office» exactement comme l'industrie cinématographique. Ces fameux droits de retransmission télévisuelle, obéissant aux règles du système marchand, se négocient à coups de millions d'euros. A défaut de payer rubis sur l'ongle ces substantielles redevances, des peuples entiers sont privés des images lors de grands rendez-vous comme le Mondial, les joutes intercontinentales ou même les championnats nationaux. Le citoyen ordinaire n'a plus les moyens pour s'offrir cette «folie». Les télévisions publiques n'ont pas aussi les capacités budgétaires pour garantir l'accès à cette «information footballistique» qui coûte de plus en plus cher. Même les compétitions régionales et les empoignades interclubs n'échappent pas à cette règle. Récemment, des milliers de fans de la JSM Béjaïa n'ont pas eu l'heur de voir la phase retour de la finale de l'UNAF qui a opposé leur équipe à l'ES Tunis. Frustrés, ils étaient nombreux à recourir à la radio pour «écouter» l'ambiance surchauffée de Radès. Très porté sur la chose, le grand public algérien garde aussi en tête ses déboires lors du dernier Mondial dont il n'a eu que quelques bribes, par-ci par-là. Les droits exigés par le sous-traitant de la région Maghreb, Moyen-Orient étant jugés, alors, bien au-dessus des moyens de l'ENTV. Idem pour la dernière édition de la CAN 2008 qui s'est déroulée au Ghana. A l'approche du double rendez-vous de 2010, les nombreux inconditionnels algériens doutent déjà. Les phases finales de la CAN (Angola) et de la Coupe du monde (Afrique du Sud) risquent fort bien de manquer aux foyers. Cette loi abusive de l'offre et de la demande est en train de priver beaucoup de monde de ce sport qui, au départ, était celui des pauvres et des va-nu-pieds. A moins d'un généreux concours des pouvoirs publics, le commun des Algériens passera probablement, encore une fois, à côté. Par ailleurs, il est peut-être temps d'amener les grandes organisations comme la FIFA, l'UEFA et la CAF qui gèrent ce dossier sensible à réfléchir à cette question pour trouver un système plus équitable et plus humain. Dispenser les pays pauvres, ou fixer un seuil limite aux offres des agences télévisuelles afin d'assurer une large accessibilité à l'abonnement, le débat doit en tout cas s'ouvrir à ce sujet. Car, il n'est pas moralement juste de spolier ainsi les «va-nu-pieds» de leur unique hobby.