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Les dits et les non-dits du pragmatisme de la mondialisation
Dans le désir du rapprochement Américano-Cubain
Publié dans La Tribune le 23 - 12 - 2014

Qu'est-ce qui fait, aux yeux du monde, extraordinaire, une relation entre deux pays comme les Etats-Unis et Cuba ?
Le premier est 30 fois plus peuplé que le second, presque 100 fois plus vaste.
Et 300 fois plus riche, si l'on s'en tient seulement aux Produits intérieurs bruts respectifs. Ou, plutôt, que peut-on dire d'un pays dont la population peut juste remplir les territoires d'un Etat moyen yankee, de l'Atlantique au Pacifique, et ne peuvent pas atteindre ses revenus ? Pour les générations nouvelles du monde, absolument rien si elles ne reviennent pas à la mémoire.
A l'Histoire contemporaine, sans aller plus loin dans les tristes périodes des expéditions européennes, le massacre des autochtones, plus tard la traite des Africains, arrachés à leurs tribus. A ce petit pays insulaire, libéré de tous les jougs, mis à part celui, le dernier, de Fulgencio Batista, qui servait les intérêts féodaux et bourgeois au détriment des espérances populaires cubaines.
Malgré, les Etats-Unis, ont aidé à la victoire des révolutionnaires cubains, à leur tête Fidel Castro, de formation juriste et anticommuniste. Il avait au départ promis de ne pas toucher aux entreprises américaines dans l'île. Mais ce sont les idées du parti communiste cubain, où son jeune frère Raul, officier de l'armée, était alors membre influent, qui ont prévalu et à son arrivée au pouvoir, les responsables de Washington ont ressenti comme une trahison les nationalisations tous azimuts, sur les avoirs étrangers dans ses territoires et sur les terres et l'organisation des activités agricoles, depuis le travail du sol jusqu'à la commercialisation des produits. La première des grandes réactions yankees dans le début des années 1961 sous l'instigation d'Eisenhower, président de la République, était de carrément renverser le régime de Fidel Castro.
L'administration américaine envisagea la cessation de la quote-part sucrière, la suppression des livraisons de pétrole et la mise en place d'une campagne de
terrorisme et de sabotage contre les installations de gratification dans les territoires cubains. Ainsi que la confection d'unités paramilitaires chargées d'envahir Cuba et d'éliminer Fidel Castro le «leader Maximo» – ce terme a été employé par des éditorialistes américains à l'époque, pour expliquer que le révolutionnaire, chef des barbudos, avait alors atteint le degré maximal de la pratique dictatoriale, entre autres, en exécutant sommairement par centaines les contestataires de son régime. Quelques semaines plus tard, Cuba signe des accords avec Moscou pour l'approvisionnement de pétrole, que les entreprises américaines dans les territoires cubains refusaient de raffiner. Une
occasion tombée du ciel pour le nouveau régime de les étatiser. Il s'ensuit, un mois plus tard, la fameuse opération de débarquement de la Baie des Cochons, en langue espagnole «Bahia de Cochinos», sur la côte méridionale de l'île, baignée par la mer des Caraïbes, où plus de 1 400 réfugiés cubains, formés et équipés par le Pentagone, tentèrent en vain de pénétrer chez Fidel Castro pour en découdre avec son système. Il en résulta, grosso modo, quelque mois plus tard par l'embargo économique, commercial et financier sur Cuba. Edicté évidemment par les Etats-Unis et contraignant tous les pays à économie libérale à le suivre à la lettre.
Au-delà du desiderata affiché
Mais Cuba va devenir la coqueluche du monde entier dans le courant de l'année 1962. D'avril à octobre de cette l'année, des évènements bouleversants vont avoir lieu dans ce pays, mettant la planète dans la panique générale. L'Union soviétique achemine des milliers de soldats et de l'équipement militaire vers l'île, suite à des informations faisant état d'une nouvelle tentative américaine d'envahir Cuba. J.F. Kennedy, succédant à Eisenhower, ne dément pas les allégations soviétiques lorsqu'il ordonne l'arrêt de l'opération. Mais quelque temps après, pendant que se construisait en secret le mur de Berlin par les autorités de l'Allemagne de l'Est, sous la bénédiction de Moscou, Nikita Khrouchtchev, en octobre 1962 installe des missiles U2 à têtes nucléaires sur les rivages cubains, pointés sur les contrées américaines. Cuba fait parler d'elle dans un concert de panique planétaire : la Guerre froide venait d'atteindre son point de non retour. Des missiles Jupiter tout aussi redoutables, sinon beaucoup plus que ceux des Russes chez Fidel Castro, étaient bien en place en Turquie, qui menaçaient la Russie et les pays satellites de Moscou, qui ne disaient rien qui vaille sur le destin de la planète.
Pour la première fois depuis les frictions «silencieuses» entre les deux superpuissances en guerre d'hégémonie, au sortir de la victoire contre les armées nazies, Moscou et Washington discutent de la paix en tant que puissances
ennemies. Les Russes exigent le retrait des missiles yankees de la Turquie et de ne plus tenter d'envahir Cuba. Mais il n'a pas été indiqué la condition de lever le blocus sur Cuba – évidemment cela aurait été mesquin venant d'un concurrent superpuissant capable de prendre sa place dans les échanges commerciaux avec le protégé des Caraïbes. Ni de l'intérêt de ne pas recourir à l'élimination physique de Fidel Castro, sur lequel, finalement, plus de 600 tentatives d'assassinat ont été orchestrées par les services de la CIA, depuis son avènement au pouvoir.
L'Union soviétique et les pays de l'Est demeurèrent les partenaires privilégiés de Cuba dans tous les domaines de l'activité économique et commerciale. Ils concoururent à ce que La Havane ne ressente pas l'embargo radical et général des USA et de ses alliés. Jusqu'à n'en pas se rendre compte au point de réussir à faire des prodiges dans plusieurs domaines des réalisations dans l'agro-alimentaire et les industries pharmaceutique, mais surtout dans l'éducation, l'exercice de la santé publique et dans la qualité des services. Les meilleurs actuellement dans l'ensemble de l'Amérique latine, dans le domaine de la scolarité et de la couverture médicale. Ce qui a permis, dans les relations avec les nations, d'accuser de la reconnaissance et de la crédibilité dans ses engagements – et qui a fait dans le passé que tout petit pays des Antilles ait réussi à irradier sa «révolution» dans le continent et dans beaucoup de pays dits du Tiers-monde, en lutte conte l'occupant ou pour son développement. Mais
aujourd'hui, comme soudain, les Etats-Unis se rappellent qu'il faut étudier le cas de Cuba, qui les a humilié dans la Baie des Cochons et lors de l'installation des missiles. Sous l'impulsion -qui n'est pas forcément évidente- du pape François, les deux présidents sont subitement d'accord pour négocier un rapprochement, qui se traduirait par la reprise diplomatique et la levée de l'embargo. Le monde entier trouve le projet cohérent et plein de bonnes intentions – d'autant plus que les Farc de Colombie ont l'intention d'apaiser leur ardeur révolutionnaire pour le bien de la paix dans le continent.
Que les questions de la rupture avec le communisme et les respects des droits de l'Homme soient la condition de la réconciliation ne risquent pas de se poser du point de vue du «pragmatisme» yankee. La Chine, dans son partenariat avec le monde occidental, obère le Trésor américain de plusieurs centaines de
milliards de dollars. Tandis que La Havane, malgré sa déconfiture économique, sous le terrible long blocus, réalise des petits prodiges sans les Etats-Unis. Il resterait à comprendre, en revanche, si les récentes découvertes des vastes nappes pétrolières dans les rivages de l'île ne sont pas le véritable moteur d'intéressement induisant Barak Obama, poussé par les grands trusts du brut, à ouvrir le dossier de la réconciliation.
De sorte de faire de l'Amérique, Cuba comprise, un réservoir inestimable à contrôler. Pour changer un peu des gisements «minés» du Proche-Orient et d'Afrique. Mais de battre en brèche aussi Vladimir Poutine, le président de l'ancien protecteur de La Havane, aujourd'hui en sérieuses difficultés économiques et géostratégiques.
N. B.


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