Après la chute de Kadhafi en octobre 2011, la Libye s'est lentement enfoncée dans le chaos, avec la montée en puissance des milices. La situation s'est aggravée faisant craindre une guerre ouverte avec ses inéluctables conséquences dans toute la région. Dans le désordre ambiant certaines voix travaillent pour encourager le dialogue afin de remettre le pays en marche. L'objectif premier du dialogue est «la formation d'un gouvernement d'unité qui puisse jouir d'un large soutien et ouvrir la voie à un environnement stable» permettant l'adoption d'une nouvelle Constitution. Aujourd'hui la Libye est dirigée par deux gouvernements qui se disputent le pouvoir à distance. L'un proche des miliciens de «Fajr Libya» contrôlant Tripoli, et l'autre siégeant à Tobrouk. Elle est également dotée de deux Parlements. Le pays vit au rythme des affrontements entre milices tribales qui se disputent le pouvoir et le contrôle de la manne pétrolière. Cependant un fait inquiétant ; les appels à une «intervention internationale» se multiplient. Des images reviennent. Comme celle de la coalition militaire de l'Otan intervenant sans une résolution franche de l'ONU. L'intervention avait renversé le régime de Kadhafi et fait basculer le pays dans un cycle de désordre. En 2011, l'intervention surfait sur la vague des «printemps arabes». Quatre ans plus tard, alors que le pays est plus que jamais déstructuré la question d'une nouvelle opération revient. Cinq Etats du Sahel ont demandé, le 19 décembre 2014, une «intervention internationale». Le Mali, le Tchad, le Niger, la Mauritanie et le Burkina Faso ont réclamé au Conseil de sécurité de l'ONU et à l'Union africaine de mettre en place une force pour «neutraliser les groupes armés». Le président tchadien, Idriss Déby, a même osé affirmer que l'Otan doit «finir le travail». Sur le plan interne l'idée est aussi évoquée. Le Parlement élu, réfugié à Tobrouk, dans l'est du pays avait appelé à une intervention militaire «étrangère» contre la coalition Fajr Libya qui investissait Tripoli. Le 5 janvier au Caire lors d'une réunion d'urgence de la Ligue arabe, les autorités de Tobrouk ont exhorté la «communauté internationale» à équiper l'armée libyenne. Il est vrai que le chaos libyen menace les Etats voisins de la bande sahélo-saharienne. Pas de solution militaire Pour l'heure les puissances occidentales continuent de privilégier une solution politique à la crise libyenne. Une intervention militaire et même un soutien en armement aux autorités de Tobrouk, pourrait renforcer certaines parties sans résoudre la crise. Aujourd'hui il paraît dans l'immédiat difficile à imaginer un remake d'une intervention du Conseil de sécurité dans le sens d'une nouvelle opération. En 2011 l'intervention militaire avait conduit à la chute du régime et à l'exécution de Kadhafi. En désaccord avec la légalité internationale. La Russie n'a jamais accepté cette distorsion du droit et refuse désormais de cautionner une nouvelle opération de ce type. Les Etats membres continuent de favoriser la médiation engagée en septembre 2014 par Bernardino Leon, émissaire spécial des Nations unies pour la Libye, en vue de la formation d'un gouvernement «d'union nationale». Malgré l'intransigeance des autorités de Tobrouk et de Tripoli et la multiplication des actions sur le terrain. Il faut dire qu'après une première amorce de dialogue, l'émissaire onusien n'a toujours pas réussi à convaincre les deux camps de se regarder en face. Le Conseil de sécurité de l'ONU pourrait utiliser l'arme des sanctions contre les groupes armés. La résolution 2174, adoptée le 27 août 2014, a élargi les sanctions aux «individus» qui mettent en danger la paix, la sécurité et la transition politique. Les sanctions pourraient autant s'appliquer contre les milices armées que contre les forces du général Khalifa Haftar, qui mène depuis mai l'offensive contre les forces islamistes. Seulement l'intégration des troupes du général Haftar au sein de l'armée libyenne pourrait compliquer la mise en œuvre des sanctions. «Une solution militaire au conflit libyen est improbable», estiment aujourd'hui des experts. Le clash armé entre les autorités de Tobrouk et la coalition Fajr Libya a déjà entraîné un morcellement du pays et un approfondissement des lignes de fractures géographiques, tribales et politiques. Ces divisions favorisent un autre acteur : l'expansion des groupes djihadistes, au détriment des deux camps belligérants. Le tout sur fond de lutte pour le contrôle des ressources énergétiques. M. B.