A. Lemili Tous les acteurs directement impliqués dans l'organisation de la manifestation internationale que Constantine est appelée à accueillir à partir du 16 avril prochain pensent, ou souhaitent, que cette opportunité serve de tremplin pour la relance de la création artistique et culturelle. Ce qui est tout de même un paradoxe pour une ville dite justement des arts, lumières, sciences... Pourtant, ce n'est pas sans raison que lesdits acteurs souhaitent la renaissance effective de ce qui, il y a moins de quarante ans, faisait la fierté de la capitale de l'est. D'abord, il va y avoir énormément d'argent mais le plus important sera sans doute la présence, si ce qui est officiellement annoncé ici et là est authentique, d'importantes personnalités du monde de la culture, des arts, la musique venus de tous les pays arabes et même un nombre appréciable de pays occidentaux dont une bonne partie a émis le vœu de contribuer à l'évènement. Une présence et forcément une proximité qui aiderait à redonner de l'allant à un secteur agonisant dont les meilleurs éléments ont choisi d'aller s'exprimer ailleurs, laissant derrière eux parfois de grands projets, une troupe, une compagnie, un atelier. Depuis le début des années 1990 et pour les raisons que nul n'ignore, tréteaux, scènes, plateaux de tournage et studios ont été graduellement désertés laissant un vide sidéral qui, à mesure que la paix se réinstalle, est réoccupé par une faune d'éléments du show-biz bas de gamme, lesquels vont imprimer à un microcosme artistico-culturel tout à fait nouveau leur conception des arts, un secteur imprégné d'argent et fait pour gagner de l'argent et peu importe ce qui est proposé à la consommation publique. Une consommation publique qu'ils sont par ailleurs arrivés à domestiquer jusqu'à pervertir les goûts et créer un nouvel auditoire qui se renouvelait régulièrement presque par atavisme. A partir de ce constat, les pouvoirs publics vont adhérer à la nouvelle configuration du parterre culturel, n'hésitant pas pour ce faire à valider, via ses instruments administratifs (jeunesse, direction de la règlementation générale, services communaux ad-hoc) autant de troupes, d'associations à but non lucratif initialement qui émettraient le vœu d'animer les maisons de jeunes notamment, les centres culturels et maisons du même nom. A Constantine, seul le nombre a toujours compté aux yeux des responsables concernés, bercés surtout par l'illusion d'une formidable activité qui aiderait effectivement à noircir des rapports et gonfler des bilans. A une certaine période, ils se trouvaient presque plus de 200 associations culturelles dont le montant de la subvention, pour certaines, était littéralement du domaine du ridicule : 100 000 DA sur une année. Au moment où le cheb le moins inconnu d'une cité de la périphérie ne faisait pas le déplacement pour 200 000DA. Malgré cette propension des pouvoirs publics à encourager la médiocrité, les associations lilliputiennes allaient disparaître en masse et du coup le semblant d'activité ou activisme qui donnait un tant soit peu de vie à de blafardes maisons de jeunes. Constantine ne vivra plus que de la demi-douzaine de festivals annuels que des associations costaudes, bien subventionnées et pour certaines faisant désormais partie du domaine culturel institutionnalisé. D'où la bousculade, depuis quelques mois, d'animateurs d'anciennes associations exhumées par intérêt évident pour la méga-fête de 2015, mais aussi un retour sur scène vraisemblablement bien vu par des pouvoirs publics et surtout des responsables désemparés par l'ampleur de la tâche qui les attend. Samedi prochain, une importante rencontre animée par le commissaire général de Ccca-2015 devrait se tenir à hauteur du siège de l'APW. La décantation interviendrait sans nul doute dans la décade qui suivra. Enfin, pour l'anecdote et surtout pour illustrer le vide sidéral qui particularise une ville censée accueillir un évènement culturel sans commune mesure, lors de la conférence de presse tenue en date du 16 janvier passé par Bencheikh El Hocine Samy, une consœur s'est étonnée et l'a fait savoir à celui-ci en constatant la distribution par un groupe de jeunes d'un prospectus annonçant une série de concerts parmi lesquels ne figurait aucune formation locale «...n'est-il pas étrange que des prestataires viennent de la capitale pour orchestrer toutes démarches visant à préparer et bien entendu à animer la manifestation alors qu'il aurait été plus opportun de voir d'abord les potentialités locales ?». Un doute fondé pour la simple raison que Ccca-2015 a, dès le départ, été conçu pour être totalement pris en charge par des prestataires venus d'ailleurs que de Constantine, mais également infondé parce qu'il n'existait aucun prestataire dans n'importe quel domaine d'une dimension telle qu'il aurait pu répondre au plus anodin des cahiers de charges. Et pour cause, tout ce qui avait été évoqué depuis le début de cet article. Quant au premier responsable de la direction de wilaya de la culture, celui-ci s'est toujours démené pour non pas avoir des interlocuteurs de nature à apporter un «plus» qualitatif mais plutôt pour avoir des subordonnés aux ordres, obéissant au doigt et à l'œil et qui ne seraient aptes ou disposés qu'à relayer sa vision surannée pour ne pas dire rétrograde de la culture. A. L.