Les pays de la rive sud de la Méditerranée refusent ouvertement de faire de la figuration dans le projet, d'initiative française, baptisé union pour la Méditerranée (UPM). Ils le font savoir et tiennent à en être considérés comme des partenaires à part entière. Pour ce faire, ils exigent d'emblée à être mis au parfum de tous les tenants et les aboutissants de ce regroupement régional avant de s'y engager. Ses objectifs. Le rôle de chaque partenaire. Ses positions par rapport aux conflits qui agitent la région. Ce qu'il y a à gagner. En plus des éclaircissements qui sont constamment réclamés aux porteurs de cette idée parmi les Etats européens, les pays du Maghreb et leurs homologues arabes du Proche-Orient se concertent et échangent leurs points de vue sur ce dossier sensible pour apporter leur propre contribution et joindre leurs préoccupations à ce partenariat en gestation. Afin d'éviter les ratés du processus de Barcelone et les inerties qui ont caractérisé le dialogue des 5+5, les pays de la rive sud mettent sur la table les problèmes de fond qu'il convient de régler au préalable pour avancer rapidement dans cette refondation des relations euro-méditerranéennes. Le règlement de la question du Sahara occidental à travers l'organisation d'un référendum d'autodétermination conformément aux résolutions des Nations unies et celles du Conseil de sécurité de l'ONU, la résolution du problème palestinien en suivant également la légalité internationale, le «casse-tête» de l'émigration et des flux humains entre le Nord et le Sud figurent parmi les écueils majeurs qu'il convient de mettre parmi les priorités et les objectifs essentiels de cette union. Ces questions et tant d'autres encore ont été effectivement soumises au mini- sommet arabe qui a réuni, hier à Tripoli, plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement afin de se concerter en prévision des premières assises de l'UPM, prévues pour le 13 juillet prochain à Paris. Le président algérien Abdelaziz Bouteflika, le libyen Mouammar Khadafi, le tunisien Zine El Abidine Ben Ali, le mauritanien Ould Sidi Abdellahi et le syrien Bachar Al Assad, ainsi que le Maroc, représenté par son Premier ministre Abbas El Fassi, se sont rencontrés, hier dans la capitale libyenne, pour engager les consultations à ce sujet. Tous les membres de ce dialogue rejettent fondamentalement l'idée d'un projet fait sur mesure et auquel ils sont sommés de souscrire sans aucune forme d'explicitation. Depuis la première annonce faite à ce propos par Nicolas Sarkozy au lendemain de son élection à la tête de la République française, l'Algérie ne cesse de solliciter davantage d'explications pour se faire son appréciation sur le projet. Une attitude somme toute légitime qui suscite une espèce d'agacement dans l'Hexagone. Une certaine pression diplomatique est exercée en permanence sur les autorités algériennes pour les amener à y adhérer sans poser trop de questions gênantes. Même les médias français font un certain forcing en focalisant sur la situation interne et l'actualité sécuritaire en Algérie. Une offensive médiatique entamée au début du mois en cours par le journal satirique, le Canard enchaîné, qui, citant l'ambassade de France à Alger, évoque la (re)montée en puissance de l'islamisme radical en Algérie. Lundi, d'autres médias ont distillé de fausses informations faisant état d'attentats à l'explosif et de nombreuses victimes à Alger et ses environs. Le ministère de la Défense nationale, qui ne dément que rarement ce genre d'errements, monte cette fois au créneau pour dénoncer ces fabulations malveillantes. L'Europe tient apparemment à battre toutes les résistances pour façonner ce projet selon ses propres convenances. En effet, l'ancien ministre français des Affaires étrangères, Hervé De Charrette, estime dans une récente tribune publiée dans le magazine Arabies que la Commission européenne veut toujours «exercer une tutelle exclusive» sur le projet de l'union pour la Méditerranée. Tous les pays du Sud ont justement horreur de ce tutorat. Le coup de gueule du Sénégalais Abdelay Wade au sommet de la FAO à Rome est largement partagé en Afrique et dans le tiers-monde. L'UE doit absolument comprendre cela pour que cette hypothétique UPM ait une chance d'aboutir ! K. A.