Les lignes bougent dans le bras de fer actuellement en cours en Syrie. Et le vent semble changer de sens. La Russie et l'Iran, apparaissaient aujourd'hui en position de force pour imposer aux Occidentaux leur stratégie selon laquelle le danger qui guette tout ce beau monde c'est bien le groupe Daech et non le régime syrien. A l'occasion de l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies, les présidents russe, Vladimir Poutine, et iranien, Hassan Rohani, devraient expliquer leur vision de la gestion de la crise dramatique en Syrie face à des Américains et Européens qui auraient eu finalement tout faux. Vladimir Poutine lors de sa rencontre à New York en tête-à-tête avec Barack Obama (une première depuis plus de deux ans) a ainsi levé le voile sur la nouvelle coalition qu'il entend mettre en place pour lutter contre Daech. Les «principaux acteurs» dans le conflit syrien, incluant la Russie, les Etats-Unis, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Egypte, se réuniront en octobre. Moscou est à l'offensive depuis plusieurs semaines sur le dossier syrien, en renforçant considérablement sa présence militaire dans le nord-ouest de la Syrie et en multipliant les initiatives afin de bousculer le mortel statu quo. Ces initiatives Russes semblent complètement tétaniser les Etats-Unis et leurs alliés européens, qui semblent de plus en plus mis devant le fait accompli par Moscou, au moment où leur propre stratégie militaire contre Daech bat de l'aile, voire suscite des interrogations. Washington et une soixantaine de pays européens et arabes pilotent depuis un an une coalition militaire qui frappe des bastions de Daech en Syrie et en Irak. Avec des résultats particulièrement mitigés. La France vient d'annoncer le début de ses opérations aériennes, avec des perspectives déjà controversées. Ces opérations militaires n'ont guère affaibli l'organisation djihadiste ni détruit ses postions encore moins détourné ses capacités de recrutement. Le New York Times a annoncé que près de 30 000 djihadistes étrangers se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011, des chiffres donnés par des responsables du renseignement américains. Il s'agit du double de la précédente estimation il y a un an. Devant cette impasse sur le terrain et après plus de quatre ans d'une terrible guerre qui a fait plus de 240 000 morts et des millions de réfugiés, une idée n'a cessé de s'imposer : le gouvernement Assad est le seul rempart contre le terrorisme. Et pour le président iranien Rohani il existe même désormais un large consensus international pour le maintien au pouvoir du Président syrien. Sur la chaîne américaine CNN le Président iranien est explicite : «Aujourd'hui tout le monde a accepté que le président Assad devait rester afin de combattre les terroristes». Et pour ce faire la coopération avec Damas est devenue inévitable. «En Syrie, notre premier objectif est de combattre les terroristes et de les défaire, et nous n'avons pas d'autre solution que de renforcer l'autorité centrale et le gouvernement comme les principaux centres de pouvoir.» Retournement de situation Depuis quelques semaines les positions sur le règlement de la crise évoluent de façon visible notamment dans les capitales connues comme étant les plus virulentes vis-à-vis du régime syrien. Washington, Londres, Berlin et même Paris, ne posent plus le départ de Bachar al-Assad comme préalable à tout règlement de la crise syrienne. La chancelière allemande, Angela Merkel, parle de la nécessite de discuter avec Damas. John Kerry concède que la priorité est dans la lutte contre Daech. Le discours est certes embarrassé, mais il s'inscrit visiblement dans un processus de changement de position pour des postures à venir plus en adéquation avec la réalité du terrain. Les puissances occidentales, on le voit, ne se gênent guère à opérer des rétropédalages pour peu que leurs intérêts stratégiques et ceux de leurs alliés régionaux ne soient pas menacés. Seules les quelques capitales arabes résolument engagées dans une bataille médiatique et diplomatique contre Damas hésitent encore à faire le pas, attendant probablement les «pressions» de leur partenaires occidentaux. Ces derniers, on le voit, semblent bien loin de leur posture initiales d'il y a quelques années. Lorsqu'en septembre 2013 le monde était à la veille d'une intervention militaire occidentale contre la Syrie au prétexte que le régime aurait usé contre ses opposants d'armes chimiques interdites. Une intervention qui menaçait toute la région d'un chaos indescriptible tant elle engageait plusieurs forces contradictoires sur un terrain géopolitique explosif. Le Président américain prenait alors son monde à contrepied en annonçant attendre la décision du Congrès pour toute intervention, mettant ses alliés européens dont la France, dans une situation incommode. M. B.