La levée des sanctions occidentales visant l'Iran, résultat d'un accord historique entre les Etats-Unis et Téhéran ennemi viscéral d'hier, devrait avoir un effet sur le terrain du Moyen-Orient et bien au delà. Les Etats-Unis et l'Iran n'ont renoué qu'à la faveur des négociations sur le nucléaire, relancées à l'automne 2013, après 18 mois de dures et incertaines tractations tenues longtemps secrètes. Les négociations ont abouti le 14 juillet dernier suite à l'accord de Vienne, entré officiellement en vigueur samedi avec la levée des sanctions occidentales imposées à l'Iran depuis des décennies. Le texte est une consécration en matière de non-prolifération et marque surtout le succès du dialogue américano-iranien que d'aucun n'avait cru possible tant les deux pays entretenaient les relations les plus exécrables depuis la révolution iranienne de 1979. Aujourd'hui les choses semblent avoir évolué. La preuve en est l'échange annoncé samedi de prisonniers entre les Etats-Unis et l'Iran. Un scénario encore impensable il y quelques mois. De même, l'incident mardi dernier des dix marins américains égarés dans les eaux territoriales iraniennes s'est réglé sans accroc. Le traitement médiatique remarqué dans le sens de l'apaisement était symptomatique de l'évolution des relations dans le sens de la détente. L'Iran aura finalement réussi à résister à une pression internationale absolument intenable. Des sanctions occidentales à rallonges, un embargo étouffant, les menaces d'agression récurrentes d'Israël et l'hostilité manifeste des pays du Golfe voire aujourd'hui de la majorité des pays arabes. Malgré la pression l'Iran n'aura pas finalement lâché Damas ni son soutien de la résistance au Liban. Aujourd'hui le retour de l'Iran, notamment sur le plan économique, pourrait bien faire rabattre les cartes sur un terrain particulièrement mouvant. Effet sur le clivage Téhéran-Riyad ? L'entrée en vigueur de l'accord sur le nucléaire entre l''Iran est les Occidentaux scelle le rapprochement entre les Etats-Unis et l'Iran au détriment de l'Arabie saoudite, alliée historique de l'Amérique. Pourtant Washington se défend officiellement de tout projet de concorde avec l'Iran encore moins d'un renversement de ses alliances au Moyen-Orient. Les Etats-Unis adeptes de la realpolitik semblent surfer entre les deux antagonistes pour en tirer les dividendes. L'administration de Barack Obama semble vouloir installer un «équilibre» entre les rivaux du Golfe Riyad et Téhéran. Ainsi si Riyad et Téhéran «parvenaient au moins à s'entendre, cela faciliterait le retrait des Etats-Unis du Moyen-Orient vers l'Asie», estiment des analystes pour qui Washington regarde déjà vers l'Est. Entretenant une «guerre froide» qui ne dit pas son nom, l'Iran et l'Arabie saoudite s'affrontent par conflits interposés en Syrie, en Irak, au Liban et au Yémen. Leur animosité a dégénéré début janvier en affrontement ouvert: Riyad a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran après l'incendie de son ambassade par des Iraniens en colère contre l'exécution par l'Arabie saoudite d'un dignitaire chiite saoudien. La diplomatie américaine, qui avait en coulisses averti Riyad des risques d'une telle exécution, s'est gardée publiquement de prendre parti et a simplement appelé à la conciliation. Le discours anti-iranien n'a pour l'heure pas cessé ou ne s'est estompé. Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, a fustigé lors de sa dernière rencontre avec Kerry le «bilan de l'Iran en matière de guerre, de destruction, de terrorisme, de déstabilisation et d'ingérence dans les affaires d'autres pays». Les médias des pays du Golfe continuent de désigner l'Iran comme une menace contre le monde arabe et la région. Une attitude de défiance qui aura fait accroître la tension dans une région qui n'en avait pas besoin tant les peuples de ces contrées ont besoin de stabilité et de développement. Les deux puissances régionales gagneraient plutôt à s'entendre. Et refuser de tomber dans un piège tendu de façon machiavélique par les tenants de la déstabilisation dont il n'est pas difficile de connaître la désignation. M. B.