La biologie et l'histoire rythment le mouvement inexorable de la vie d'une nation. Elles font toujours leur œuvre. Mais Dieu que l'hommage post-mortem peut être difficile ! Surtout quand il est question de justes parmi les plus justes. De justes au-dessus des justes, tels Abdelhamid Mehri, disparu il y a quatre ans. Ou encore de Hocine Aït Ahmed, qui l'a rejoint quatre ans plus tard au royaume des grands patriotes et des dispensateurs de lumières politiques. L'un et l'autre furent parmi les plus grands. La démocratie algérienne, toujours en gestation, est orpheline de la perte irréparable de Si Abdelhamid Mehri et de Si L'Hocine Aït Ahmed. La biologie et l'histoire rythment le mouvement inexorable de la vie d'une nation. Elles font toujours leur œuvre. Mais Dieu que l'hommage post-mortem peut être difficile ! Surtout quand il est question de justes parmi les plus justes. De justes au-dessus des justes, tels Abdelhamid Mehri, disparu il y a quatre ans. Ou encore de Hocine Aït Ahmed, qui l'a rejoint quatre ans plus tard au royaume des grands patriotes et des dispensateurs de lumières politiques. L'un et l'autre furent parmi les plus grands. La démocratie algérienne, toujours en gestation, est orpheline de la perte irréparable de Si Abdelhamid Mehri et de Si L'Hocine Aït Ahmed. Pour l'un comme pour l'autre et pour tant d'autres montagnes altières du Mouvement national algérien, l'Histoire leur rendra justice un jour. Mais aujourd'hui, l'hommage est à rendre de nouveau pour Abdelhmaid Mehri, en attendant de rendre les honneurs dus à Hocine Aït Ahmed après le temps du deuil. Abdelhamid Mehri est né sous une bonne étoile, du côté de Oued Zenati, l'année même de la naissance de l'ENA, l'Etoile nord-africaine, matrice du songe unitaire maghrébin, dont Tanger sera en 1958 l'esprit et la prémonition. Le présage d'un rêve, à ce jour, jamais réalisé. Ministre du Gpra, le Gouvernement provisoire de la révolution algérienne, émancipatrice de son peuple qui en était la sève nourricière, Si Abdelhamid, quoique plus jeune que ses pairs marocains et tunisiens d'alors, était digne des pionniers algériens du grand rêve maghrébin. À l'image de Messali El-Hadj, Amar Imache, Hadj Ali Abdelkader, Si Djilani, Belkacem Radjef, Ahmed Belghoul et, celui dont le nom était le plus retentissant, l'Emir Khaled El Hassani Ben El Hachemi, petit-fils de l'Emir Abdelkader, génie géniteur de l'Etat algérien moderne. Alors, bonté divine, celle qui nous a ravi les tabernacles de lumières, les repères justes et les balises de la raison, de qui parler donc après le voyage final de Si Abdelhamid ? Du nationaliste d'eau pure et de la première heure ? Du militant du PPA-Mtld, devenu centraliste, par amour du juste milieu et du sens du compromis politique intelligent ? Du Politique, du pédagogue politique et de l'enseignant pédagogique ? Du frère, du père, de l'oncle, de l'ami, du compagnon, du grand-père, du mari si attentionné, et ô combien dévoué et disponible ? Du patriote dont l'amour de l'Algérie, des siens et de ses compatriotes fut d'une infinie tendresse ? De qui parler et qui évoquer ? Le démocrate de toujours qui avait l'oreille patiente, toujours respectueuse de l'avis de l'autre ? Parler alors du Mehri qui, pour dire son respect de l'avis de l'Autre, citait souvent l'imam progressiste Abou Abdallah Muhammad Bin Idriss al-Chafi'i, descendant direct des hachémites ? Si Abdelhamid rappelait alors à ses interlocuteurs, à ses détracteurs comme à ses admirateurs, une célèbre sentence de l'imam koraïchite, qui est la quintessence même de la philosophie démocratique : «Notre point de vue est erroné, mais est susceptible d'être juste, le vôtre est juste, mais peut supposer l'erreur.» Si Abdelhamid fut l'incarnation morale et intellectuelle de la synthèse politique de l'honnête démocrate. Ce qu'il fut toujours au PPA-Mtld, au FLN et au Gpra. A titre de ministre de l'Education ou de l'Information. Comme formateur avec le couvre-chef de directeur de l'Ecole normale supérieure d'Alger. De même, en sa qualité d'ambassadeur en France et au Maroc. Ou encore avec la tiare de secrétaire général d'un FLN post-Octobre 1988 soumis, sous sa forte impulsion, à une double cure d'opposition politique et d'apprentissage démocratique. De qui parler encore ? Du Mehri qui fut le principal artisan du Contrat de Rome qui obligea les islamistes radicaux, adeptes de l'Etat théocratique, même au prix des armes, à accepter le choix de la politique comme seul moyen d'accéder au pouvoir et d'y rester ? Faut-il encore évoquer le Mehri dont la constance, la pugnacité et la fraîcheur démocratique furent subversives pour le pouvoir ? Au point de l'écarter de son poste de patron du FLN, en 1996, grâce à ce qui deviendra célèbre sous le vocable si détestable de «coup d'Etat scientifique» ? Faut-il évoquer bien plus encore le pédagogue politique éclairé et éclairant, chantre de la démocratie en Algérie et de la construction maghrébine, deux objectifs de la Révolution du 1er Novembre 1954 toujours en chantier ? Un Si Abdelhamid ulcéré un jour d'avoir été empêché par le pouvoir d'organiser à Alger une rencontre académique sur le Maghreb, dans l'idée de revivifier l'esprit de Tanger et non celui de Marrakech qui accoucha d'une coquille vide nommée UMA ? Faut-il enfin parler du Mehri que le président Abdelaziz Bouteflika n'a pas écouté ou si peu, lorsqu'il lui a suggéré de réunir un consensus national préalable à toutes réformes politiques ? Une voix audible, mais qu'il n'a pas entendue quand il lui a suggéré de réunir toutes les forces vives de la nation pour organiser une transition démocratique qui aurait abouti à une Constitution du consensus national. A la Tunisienne en quelque sorte. Si Abdelhamid est parti pour un meilleur ailleurs, à pas feutrés, avec révérence, sans voir un jour son Algérie réaliser le rêve de l'Etoile Nord-africaine, de la Conférence de Tanger et des jeunes d'Octobre 1988. Mais de là où il est, au royaume des gens de bien, des justes et des bienheureux qui «sont à la droite du Seigneur», il regardera avec calme et tendresse, avec cet œil indulgent et sagace, l'évolution de son Algérie. Une marche laborieuse vers le paradis démocratique tant rêvé auquel il a consacré l'essentiel de sa vie d'homme et de militant. Pour tout cela et pour nous tous, il est toujours là. N. K.