L'intervention de Abdelhamid Mehri était très suivie, hier à la fondation Friedrich Ebert, au deuxième jour du séminaire organisé par le RAJ autour du 20e anniversaire des événements d'Octobre 1988. Le libellé de la conférence portait sur le 50e anniversaire du congrès de Tanger qui s'est tenu en avril 1958 et avait regroupé les principaux partis nationalistes maghrébins. L'ancien secrétaire général du FLN, qui avait pris les rênes de l'ex-parti unique au lendemain des événements d'Octobre 1988, part d'un postulat général selon lequel les luttes nationalistes au Maghreb participent d'une même matrice qui est l'Etoile nord-africaine. L'ancêtre du PPA-MTLD regroupait en son sein des militants algériens, marocains et tunisiens, insiste le conférencier. Et à M. Mehri de développer en mettant l'accent sur la communauté de destin qui faisaient se fédérer les trois grands partis nationalistes maghrébins qu'étaient l'Istiqlal au Maroc, le Néo-Doustour en Tunisie et le FLN en Algérie, autour du projet indépendantiste. C'est dans cet esprit qu'intervint la conférence de Tanger, souligne l'orateur. Abdelhamid Mehri en parle en position à la fois d'acteur et de témoin, lui qui y figurait au titre de la délégation du FLN. Exposant les résolutions de ce congrès, il insiste sur une importante recommandation exhortant les instances de la Révolution algérienne à créer un gouvernement provisoire, ce qui fut fait. « La conférence de Tanger a ainsi permis la reconnaissance du GPRA, qui représente la résurrection de l'Etat algérien », dit-il. Il faut noter que la conférence de Tanger s'est tenue fin avril 1958 (du 27 au 30 avril exactement) et le 13 mai 1958, on sait ce qui s'est passé avec la jacquerie du général Massu qui a conduit à l'effondrement de la IVe République et à l'arrivée du général de Gaulle au pouvoir. Pour Abdelhamid Mehri, il y a une corrélation entre la réunion de Tanger et le mouvement du 13 mai 1958. « Le congrès a été un facteur de déstabilisation qui a fait éclater les contradictions qui minaient le camp français », note-t-il. L'envers de ce tableau idyllique est que « l'esprit de Tanger n'a hélas pas été respecté après les indépendances », regrette M. Mehri, ce qui a exacerbé les contradictions intermaghrébines qui ont, au mieux, pondu une fantomatique UMA totalement obsolète. « Aujourd'hui, nous lisons dans les différents journaux maghrébins toutes sortes d'insultes à l'égard des autres régimes. Un jour, je me trouvais au Maroc et j'ai lu ce genre d'insanités à propos du régime algérien. J'ai dit aux frères marocains que ces propos étaient sans doute fondés, mais qu'ils valaient pour l'ensemble des régimes maghrébins. » Abdelhamid Mehri termine en insistant sur le fait que l'aspiration à un Maghreb uni est un impératif catégorique imposé tant par l'histoire que la géographie ; la mémoire des luttes communes autant que la convergence d'intérêts. La conférence de Abdelhamid Mehri a donné lieu à un débat vif et de qualité. Les jeunes ne se sont pas fait prier pour saisir le micro et déverser leurs questionnements. A une question sur l'Union pour la Méditerranée chère à M. Sarkozy, Abdelhamid Mehri a rétorqué : « Cela démontre que nos politiques ne sont ni réalistes ni raisonnables. Si le Maroc et l'Algérie ne sont pas parvenus à régler leurs problèmes, comment cela pourrait-il se faire dans un tel cadre ? C'est de la fuite en avant. Notre adhésion à l'Union pour la Méditerranée est un acte dénué de sens. L'union entre les pays européens a été le fruit d'un long processus de concertation. Ce n'est pas le cas chez nous. » Commentant le problème de la fermeture des frontières, Abdelhamid Mehri estime que cela va tout à fait à l'encontre de l'idéal de Tanger.