TSA : On célèbre aujourd'hui la Journée internationale de la presse. Vous contestez le rachat d'El Khabar par une filiale de Cevital… HAMID GRINE : Je préfère ne pas commenter une affaire qui est en justice. Mais je dirai une chose : en ma qualité de ministre, je suis tenu de défendre et de faire appliquer les lois de la République. Ce que j'ai fait dans ce dossier. Vous avez saisi la justice pour faire annuler le rachat du Groupe El Khabar par Issad Rebrab. C'est pourtant une prérogative qui est, d'après le Code de l'information, celle de l'Autorité de régulation de la presse écrite qui n'existe toujours pas… En l'absence de l'Autorité de régulation de la presse écrite, c'est la tutelle qui remplit ce rôle. De toutes les façons, avant cette autorité, il y a l'installation de la commission de délivrance de la carte professionnelle et du conseil de l'éthique et de la déontologie qui sont plus importantes à mes yeux. Par sagesse, nous avons préféré, à la demande des membres de la corporation eux-mêmes, que le maximum de journalistes se rallie au projet pour ne laisser personne sur la marge. Concernant l'autorité en question, nous verrons cela en temps opportun. Certains pensent qu'El Khabar est sanctionné pour sa ligne éditoriale et son opposition au pouvoir… Ce n'est pas une affaire politique. Les journalistes d'El Khabar ne doivent s'en prendre qu'à leurs gestionnaires. Si El Khabar a des problèmes financiers, si les gestionnaires ont été poussés, comme ils le disent eux-mêmes, à vendre, c'est d'abord un problème de rigueur dans la gestion et de professionnalisme. J'ai toujours appelé la presse à plus de professionnalisme, à plus d'éthique et de déontologie, parce que ce sont des valeurs qui rapportent, qui durent et qui font du bien aux Algériens. On peut critiquer sans diffamer, ni injurier, ni blesser. Par ailleurs, il y a une crise mondiale dans la presse. Regardez ce qu'il est advenu de The Independant. C'est devenu un journal électronique. France soir qui a disparu et puis d'autres journaux très connus à travers le monde qui ont connu le même sort. La crise publicitaire touche le monde entier. Elle n'est pas spécifique à l'Algérie. Pourquoi intervenez-vous dans une affaire purement commerciale ? C'est une affaire de droit. Les pouvoirs publics, dans un Etat de droit, peuvent s'interposer quand il y a atteinte à la loi. Et dans le cas qui nous concerne, le ministère que je dirige s'oppose à une transaction jugée non conforme aux lois de la République. Il n'y a là ni émotion, ni passion, ni subjectivité. Vos arguments sont contestés par la rédaction d'El Khabar et par le nouveau propriétaire du journal… Ils sont libres de contester. Nous sommes en démocratie. Il se trouve que ce journal personnalise le débat, le politise. Or, il s'agit d'une affaire de droit. Encore une fois, ils sont libres de penser ce qu'ils veulent. Nous considérons que cette transaction n'est pas conforme aux lois de la République. Devons-nous nous taire ? Allons-nous nous en faire les complices ? Non. Je suis là pour faire respecter les lois de la République. Maintenant que l'affaire est entre les mains de la justice, je préfère ne pas m'étendre sur ce dossier. Que ces journaux poussent des cris d'orfraie, allez, je vous le dis, je trouve que c'est de bonne guerre. Ça ne me fait ni chaud, ni froid. Ma capacité d'indifférence, comme ma détermination sont sans limite. Je les appelle, quand même, à plus de retenue et de raison. On vous reproche, depuis votre nomination, de cibler les journaux indépendants… Si on parle des mêmes journaux, il n'y a point d'indépendance. Je vois l'arrogance, l'esprit dominateur et beaucoup de noirceur. En Algérie, tout est noir à leurs yeux. Ces journaux essayent de bafouer les lois de la République. Il faudrait qu'ils cessent cette fuite en avant. La République ne pliera pas devant eux. Pour ce qui est de cibler les journaux, c'est plutôt le contraire. Depuis deux années, j'ai été la cible de toutes les insultes. J'appelle ça la dictature de la pensée unique et inique. Quand vous n'êtes pas avec eux, vous êtes contre eux. Ces journaux ont eu de la publicité étatique pendant vingt ans. Qu'en ont-ils fait ? Ils se sont érigés en lobbies et en machines de destruction et de production de pessimisme et du défaitisme. À les lire, il n'y a point de salut hormis la fuite, le soulèvement ou le suicide. Avez-vous l'intention de fermer El Khabar ? Du tout ! Je n'ai ni les prérogatives, ni l'intention de fermer El Khabar. Mais si la justice décide de fermer ce journal, on ne peut que respecter la décision de la justice. D'ailleurs, je profite de cette tribune pour lancer un appel à tous les annonceurs privés pour leur dire de ne pas contribuer à renflouer les caisses des journaux qui sèment la discorde et qui renvoient une fausse image de l'Algérie. Pourquoi ne pas agir contre les chaînes offshores ? On aurait pu les fermer sans que personne ne crie au scandale, parce que ce sont des chaînes pirates offshores qui n'ont pas de justification légale. Jusqu'à maintenant, nous avons fait preuve de tolérance. Il viendra le jour où il y aura de la décantation. Le projet de loi de création de service audiovisuel est prêt, ainsi que le cahier des charges et bien d'autres textes. Nous avons choisi la voie de la temporisation et de la sagesse. Il ne faut pas prendre ça pour de la faiblesse. Le pouvoir garde le monopole sur la publicité publique à travers l'Anep. Ça ne favorise pas le développement de la presse… Le pouvoir, comme vous dites, ne garde pas le monopole. Il régule. Rendez-vous compte que les 95% de la publicité à laquelle vous faites allusion échoient aux privés. Remettre en cause les choix du gouvernement est-il contre l'éthique, contre la déontologie ? N'est-ce pas là un droit pour la presse indépendante ? Vous voulez dire la liberté d'insulte ? Je suis contre. Mais je suis pour la liberté de critiquer sans porter atteinte à la dignité et à l'honneur des personnes. La nouvelle Constitution a consacré la liberté d'expression. Cela fait de la presse algérienne l'une des plus libres au monde grâce au président de la République. Il suffit juste que cette liberté ne soit pas pervertie. L'histoire gardera de vous que vous avez mené une guerre ouverte sans merci contre des journaux depuis votre installation au ministère de la Communication. Ce rôle ne vous dérange pas ? S'il y a une guerre que j'ai menée, c'est bien celle du professionnalisme, de la vertu, de l'éthique, de la valorisation et de la dignité du journaliste. En revanche, on a mené contre moi une sale guerre. Quant à l'histoire, elle gardera en mémoire, j'espère, la position d'un ministre qui fait passer la préservation de l'image de l'Etat avant sa propre personne. Les ministres passent, l'Etat demeure. Je suis fier de servir cet Etat. A. M. In tsa-algérie.com