Le nombre de personnes chassées de leur foyer dans leur propre pays par la guerre et la violence a atteint un niveau record en 2015, avec 40,8 millions de déplacés, dont plus de la moitié en Syrie, Yémen et Irak, estime un rapport publié hier. Dans le monde entier, 8,6 millions de personnes ont fui des zones de conflit en 2015, soit en moyenne 24 000 personnes chaque jour, estime l'Internal displacement monitoring centre (Observatoire des situations de déplacement interne, IDMC), un observatoire basé à Genève. Ainsi, au Yémen, près de 2,2 millions de personnes ont fui à l'intérieur du pays l'an dernier, soit 8% de la population, principalement en raison des frappes saoudiennes et du blocus économique imposé aux civils, estime le rapport. Selon l'organisation, les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays sont deux fois plus nombreuses que celles qui choisissent de quitter leur pays et de devenir des réfugiés. «Le monde connaît une énorme crise des personnes déplacées qui grandit année après année, et trop d'endroits connaissent des situations de conflit et/ou de catastrophe naturelle», déclare Jan Egeland, secrétaire général du Norwegian Refugee Council, dont dépend l'IDMC. «Nous devons trouver des moyens pour protéger les personnes de ces terribles forces, causées aussi bien par la nature que par l'homme», a-t-il ajouté. Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) estime que le nombre de personnes déplacées dans le monde entier a très certainement «largement dépassé» les 60 millions en 2015, un record. Ce chiffre comprend notamment 20 millions de réfugiés causés par la guerre en Syrie et autres conflits de longue durée. Selon l'IDMC, le nombre de personnes déplacées a fait «boule de neige» au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis les printemps arabes en 2010 et l'émergence du groupe Etat islamique en Syrie et en Irak. «Ce qui a vraiment conduit à ce pic que nous constatons, ce sont les attaques sur les civils - bombardements, frappes aériennes - en Syrie mais aussi au Yémen», déclare Alexandra Bilak, directrice par intérim de l'IDMC, «les gens n'ont nulle part où aller». En 2015, 19,2 millions de personnes ont été chassées de leur foyer en raison de catastrophes naturelles, dans la plupart des cas à cause de tempêtes ou d'inondations, la Chine et le Népal en première ligne, rapporte l'IDMC. Au Népal, les tremblements de terre d'avril et de mai ont déplacé 2,6 millions de personnes à eux seuls. La même année, il y a eu 8,6 millions de nouveaux déplacés en raison de conflits armés, dont 4,8 millions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, pour atteindre un total de 40,8 millions. «Ce chiffre est le plus élevé jamais enregistré et représente le double du nombre de réfugiés dans le monde», déplore M. Egeland, qui a cosigné le rapport de l'IDMC. C'est la quatrième année consécutive que le nombre de déplacés en interne atteint un nouveau record. La Syrie, le Yémen et l'Irak comptabilisent plus de la moitié des personnes déplacées par les conflits en 2015. Viennent ensuite l'Afghanistan, la Centrafrique, la Colombie, la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Sud Soudan et l'Ukraine. En cumulé, les conflits et les catastrophes naturelles ont fait 27,8 millions de nouveaux déplacés en interne en 2015. «Ce chiffre équivaut aux populations de New York, Londres, Paris et du Caire réunies, emportant dans leur fuite et souvent dans la panique, le peu de choses qu'elles peuvent transporter, et se lançant dans un périple teinté d'incertitude. Autrement dit, environ 66 000 personnes ont dû abandonner leur foyer chaque jour en 2015», souligne M Egeland. Et la situation est souvent désespérément stable. Cinq pays - la Centrafrique, la Colombie, l'Irak, le Sud Soudan et le Soudan, ne sont jamais sortis du Top 10 depuis 2003. Jan Egeland souligne que des pays comme Cuba, le Viêtnam ou le Bangladesh ont amélioré leur situation en développant la prévention contre les catastrophes naturelles, mais que beaucoup reste à faire. Pour Alexandra Bilak, l'action politique est nécessaire pour empêcher que de nouvelles personnes deviennent des réfugiées dans leur propre pays, souvent pour de longues périodes. «Les chiffres augmentent chaque année, ce qui montre bien que les solutions aux déplacements ne sont pas trouvées», dit Alexandra Bilak. La Colombie, la République démocratique du Congo, l'Irak, le Soudan et le Soudan du Sud figurent sur la liste des pays où les populations déplacées sont les plus importantes chaque année depuis 2003, note en outre le rapport. «Les gens ne reviennent pas, ils ne sont pas intégrés localement là où ils ont trouvé refuge et ils ne sont pas non plus relogés ailleurs», constate la directrice par intérim de l'organisation. R. C./Agences