C'est l'une des conséquences du «Brexit» : de l'avis de certains économistes, la crise qui menace depuis plusieurs années les banques italiennes pourrait se matérialiser avant la fin de l'été. L'hebdomadaire britannique The Sunday Telegraph a révélé que le gouvernement italien bataillait avec Bruxelles pour mettre en place un plan de sauvetage de 50 milliards d'euros. C'est l'une des conséquences du «Brexit» : de l'avis de certains économistes, la crise qui menace depuis plusieurs années les banques italiennes pourrait se matérialiser avant la fin de l'été. L'hebdomadaire britannique The Sunday Telegraph a révélé que le gouvernement italien bataillait avec Bruxelles pour mettre en place un plan de sauvetage de 50 milliards d'euros. Les nouvelles règles qui régissent les banques européennes depuis le 1er janvier imposent en effet de faire porter les pertes d'une banque à ses créanciers avant son sauvetage par des fonds publics. Problème, en Italie, les créanciers sont le plus souvent des PME et des petits porteurs. Explications en 3 points. 1. A quel point est-ce grave ? L'ensemble du secteur bancaire italien serait actuellement plombé par 360 milliards d'euros de créances douteuses, des crédits que les banques ont peu de chances de recouvrer ; en somme, des dettes irrécupérables, en partie ou en totalité. C'est l'équivalent de 22% de la richesse produite par le pays l'an dernier : «Les banques italiennes ont subi de plein fouet les effets du résultat du référendum sur le Brexit, à un degré plus élevé que les autres banques européennes. Toutes les banques ont été touchées, y compris des banques considérées comme solides», avertissait au début du mois de juillet une note du Trésor français. La raison ? Non pas les liens économiques avec le Royaume-Uni, qui ne sont pas particulièrement forts par rapport aux autres pays du «noyau européen», mais la fragilité du tissu bancaire italien, constitué d'établissements trop petits, trop nombreux et peu rentables. Ainsi, en six mois, la plus vieille banque du monde, la Banca Monte dei Paschi di Siena (BMPS), a vu son action perdre 77% de sa valeur. L'établissement a été accusé récemment par le superviseur bancaire, logé au sein de la Banque centrale européenne (BCE), d'avoir dans ses livres un stock de créances douteuses beaucoup trop volumineux (24,2 milliards d'euros). Le 29 juillet, les résultats de nouveaux tests de la BCE pourraient confirmer les faiblesses de BMPS et d'autres établissements. 2. C'est neuf, cette histoire ? Pas vraiment : les entreprises italiennes ont traditionnellement investi dans les prêts aux banques, y plaçant une partie de leur trésorerie, tandis que ces dernières années les épargnants se sont vu offrir des produits habituellement réservés aux investisseurs professionnels. Mais le contexte s'est sensiblement dégradé cette année. Deux banques mutualistes de taille moyenne (Banco popolare di Vicenza et Veneto Banca) n'ont pas réussi à trouver des investisseurs susceptibles de les aider sur les marchés, et c'est le fonds de sauvetage Atlante, créé en avril 2016 et abondé par les banques italiennes, qui est devenu l'actionnaire unique des deux banques qu'il a recapitalisées. En 2015, plus de dix mille petits épargnants italiens ont perdu une partie de leurs économies après l'effondrement de quatre banques régionales (Banca Etruria, CariChieti, Banca Marche et Carife). Et ce, malgré l'intervention du gouvernement, qui ne couvrait pas les dettes les plus risquées. Un retraité s'est même suicidé après avoir découvert que son patrimoine s'était envolé. Le risque, avec l'accroissement de la méfiance des épargnants, est celui d'une ruée aux guichets et d'un retrait massif de leurs économies, comme on l'a vu en Grèce ou à Chypre. Avec 18% de dettes dites «non performantes», l'Italie n'est pas seule dans la zone euro à inquiéter les instances internationales et les régulateurs. Elle partage avec la Grèce, le Portugal, l'Irlande et la Slovénie le triste privilège de ne pas avoir réussi à faire passer son niveau de dettes toxiques en dessous de 10% (en rouge ci-dessous ; le vert correspond à un niveau inférieur à 5% et le jaune à un niveau entre 5 et 10%). Son cas n'est certes pas unique, mais le taux de toxicité des livres bancaires italiens se distingue par sa composition : la part sofferenze – «irrécouvrable» – de ces créances en représente plus de la moitié (198 milliards d'euros à la fin d'avril 2016), une partie qui affiche en outre une inquiétante augmentation (50% par rapport à 2012). 3. Du coup, y aura-t-il des conséquences sur l'économie réelle ? Les conséquences sur l'économie réelle sont de deux ordres : • Dans un premier temps, il est difficile pour les banques d'accorder d'autres prêts tant que ces dettes toxiques pèsent dans leurs bilans ; en d'autres termes, c'est autant d'argent frais en moins pour les particuliers et les entreprises. «Si le climat d'incertitude entourant un secteur bancaire fragilisé augmente, l'investissement (…) pourrait à nouveau reculer, et entraîner un cercle vicieux de recul de l'emploi, de la consommation, ce qui au total affecterait la croissance», décrit la note du Trésor français. • Ensuite, si certaines de ces banques faisaient faillite, elles risqueraient de devoir appliquer les nouvelles règles européennes de sauvetage des banques : désormais les actionnaires et créanciers de l'établissement sont mis à contribution d'abord, à savoir, dans le cas de l'Italie, des entreprises et des épargnants. Dans leurs prévisions, les analystes des banques d'investissement ont tous revu leurs anticipations de croissance à la baisse. La britannique Barclays prédit même un recul du PIB italien de 0,1% en 2017, alors que tous les autres pays du «noyau dur» européen profitent d'un retour, même modéré, de la croissance. Si ce scénario sombre se réalisait, l'Italie aurait encore plus de mal qu'actuellement à résorber sa dette, la plus importante en Europe en proportion de son PIB après la Grèce : autour de 133%, contre 96% en France et 71% en Allemagne. Autre risque proche, le référendum constitutionnel de cet automne, qui vise à réduire les pouvoirs du Sénat. Selon le centre d'études de la Confindustria, qui représente les entreprises italiennes, une victoire du non aurait non seulement pour conséquence de creuser davantage la dette, mais ferait aussi tomber l'Italie en récession pour deux ans. M. D.