La Banque centrale européenne pourrait préparer demain les esprits à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire, peut-être dès septembre, sans aller au-delà faute de visibilité sur l'impact du Brexit. "Nous n'avons toujours pas d'idée claire sur les conséquences économiques à court terme du Brexit car nous n'avons pour le moment aucun indicateur montrant ce qui se passe", a déclaré Ben May, économiste chez Oxford Economics. Près d'un mois après la victoire du "Brexit" lors du référendum britannique, le conseil des gouverneurs de la BCE, composé des 19 gouverneurs des banques centrales nationales de la zone euro et de six directeurs, tiendra à partir de mercredi une réunion de politique monétaire sur deux jours, que conclura une conférence de presse de son président Mario Draghi, demain. Les gardiens de l'euro vont "probablement" estimer qu'étant donné la magnitude modérée "des mouvements sur les marchés financiers, il n'y a pas besoin d'une action imminente", ajoute M. May. La BCE pourrait ainsi imiter la Banque d'Angleterre (BoE), qui a maintenu jeudi son principal taux directeur à 0,50%, en attendant que l'horizon se dégage.
Trop tard et trop tôt L'issue du référendum britannique a certes "accru les risques déjà élevés qui pesaient sur la croissance et l'inflation en zone euro", pointe Jennifer McKeown, de Capital Economics. Mais la réunion de juillet intervient "à la fois trop tard après le Brexit pour toucher les marchés et trop tôt pour évaluer les conséquences économiques" de la sortie du Royaume-Uni de l'UE, explique Carsten Brzeski, pour ING, qui n'attend lui non plus pas d'action particulière la semaine prochaine. "La réunion du mois de septembre sera beaucoup plus importante car la BCE dévoilera les nouvelles prévisions économiques de ses équipes", ajoute M. Brzeski. La banque centrale a multiplié les gestes de soutien à l'économie depuis deux ans. Elle a porté ses taux à des niveaux historiquement bas, mis des prêts géants gratuits, voire même rémunérés, à disposition des banques et rachète des montagnes de dettes sur les marchés pour fluidifier le crédit au secteur privé de la zone euro. Jusqu'à présent, ces efforts n'ont pas permis à la BCE d'atteindre son objectif, à savoir une inflation "proche mais inférieure à 2%" en zone euro. Lestés par l'énergie, les prix à la consommation ont progressé de 0,1% en juin, après une baisse de 0,1% en mai. La semaine prochaine, les gouverneurs "vont probablement discuter de ce que l'on peut vraiment faire en septembre. Ils vont essayer de gagner du temps. La conclusion devrait toutefois être qu'il n'y a pas grand-chose que l'on puisse faire, car beaucoup de munitions ont déjà été utilisées", juge M. Brzeski. En septembre, la banque centrale pourrait décider d'allonger la durée de son vaste programme d'achats de dettes, le QE, prévu jusqu'à présent pour courir jusqu'en mars 2017, spécule cet expert. Michael Schubert, analyste chez Commerzbank, n'exclut toutefois pas quelques mesures techniques la semaine prochaine pour permettre à la BCE de pouvoir racheter davantages de titres, notamment de la dette allemande, qui fait figure de valeur refuge.
Les banques à la loupe Tout commentaire du président de la BCE Mario Draghi concernant l'état de santé du secteur bancaire européen sera du reste scruté à la loupe, alors que la solidité des banques italiennes inquiète depuis plusieurs mois. Rome tente de trouver une solution pour aider ses banques sans que son intervention ne soit considérée par Bruxelles comme une aide d'Etat faussant la concurrence et sans que les épargnants, et si possibles les petits actionnaires, ne soient lésés. Eclaté avec plus de 700 établissements, le système bancaire italien est fragilisé par des problèmes de capitalisation et plie sous le poids de 360 milliards d'euros de créances douteuses. En six mois, l'indice boursier des banques italiennes a cédé 55%. Dans le reste de la zone euro, les valeurs bancaires ont également dévissé après l'annonce de la victoire du Brexit.