Allez, cachez-moi ce burkini que je ne saurai voir ! C'est finalement le philosophe français Raphaël Einthoven qui a résumé, en un tweet, le côté singulier et déroutant de la chose. Et sous forme de question subversive : en France «Les partisans du burkini défendent-ils, au nom de la tolérance qu'ils invoquent, le port du string sur les plages saoudiennes ?» Dans un contexte surréaliste où chacun est prié de prendre parti, et où les arguments les plus absurdes se mêlent aux pensées les plus raisonnables, la formulation d'Einthoven veut bien dire que la France se noie dans le burkini et le ridicule ! Drôle de débat dont la presse anglo-saxonne, railleuse à souhait, s'est gaussée à longueurs de colonnes. C'est qu'ils ont fait fort les Frenchies, politiques et Premier ministre qui fonce sur le burkini comme un taureau sur le chiffon rouge dans une corrida en tête ! La chose est pourtant simple : toute femme a le droit de se baigner en toute sécurité et sans violer pour autant les préceptes auxquels elle croit; et même les femmes auxquelles le voile est rigoureusement imposé voient ainsi leur liberté croître : elles peuvent au moins se baigner par temps de chaleur sur quelque plage clémente, ce qui est un avantage paradoxal ! En revanche, bien d'autres esprits supposés ouverts, pensent qu'imposer une tenue fermée à une femme est ignoble. Dans un pays de liberté et de laïcité comme la France, les femmes qui choisissent librement ou pas le burkini ne doivent-elles pas justement jouir des valeurs occidentales de liberté ? Et quand elles trouvent un moyen hygiénique et probablement confortable de nager en toute quiétude, le leur interdire ne serait-il pas, M. Manuel Valls, une atteinte à leur liberté individuelle, selon vos propres normes ? Pourtant, porter une tenue parce qu'on est convaincue qu'elle correspond à sa foi religieuse est normalement perçu comme honorable dans la société française. C'est d'ailleurs ainsi qu'est vu en général le choix des religieuses chrétiennes que les Français respectent en tant que femmes voilées. Respect fondé sur le principe libéral qui veut que nul ne doit demander pourquoi une femme porte un hijab ou nage en burkini dès lors que chacune est libre de ses choix, tant qu'ils ne piétinent pas les libertés des autres. D'autant plus que le droit de ne voir que les tenues que les Français ont envie de voir n'existe pas. A moins que Manuel Valls ne l'invente ! Le Premier ministre français est peut-être dérangé par le fait que le burkini s'oppose frontalement au bikini ou au string, tous deux brandis comme le must de la liberté féminine alors qu'il est aussi le porteur visible de contradictions occidentales. En libérant la femme du maillot une pièce encore trop pudique au goût de certains, les Occidentaux l'ont donc réduit aux attraits du corps de la femme. Preuve en est le peu d'enthousiasme des femmes d'un certain âge ou des généreuses «rondes» pour le deux-pièces. Symboliquement, le bikini est à la fois une libération et une aliénation. S'agissant du burkini, le degré zéro de la pensée a été atteint lorsque on l'a lié au terrorisme, alors même que la grande majorité des attentats sont le fait d'hommes. Dans un tel cas, le burkini devient la kalachnikov du Bataclan ou le camion fou de Nice ! Enfin, il y a l'erreur abracadabrantesque qui consiste à invoquer la laïcité pour justifier, comme le maire de Nice l'a fait, l'interdiction du burkini sur les plages. On invoque la laïcité bafouée par son port alors même que l'interdiction contrevient au principe même de liberté de religion défendue par la laïcité et même aux principes de liberté tout court. Comment dès lors ne pas s'étonner de ce que les strings et surtout les strings extrêmes semblent plus respectueux des «bonnes mœurs» qu'une tenue opaque qui relève plus de la pudibonderie ou d'une simple expression de pudeur, fût-elle religieuse ? En gros, la sex-bomb, tous seins et pubis dehors, est plus acceptable aux yeux de la société sur une plage publique que la femme bien couverte. L'on oublie même que le bikini a été appelé ainsi par son créateur Louis Réard, un Français, tiens ! en référence à l'atoll du même nom aux Îles Marshall, sur lequel avait eu lieu une explosion nucléaire française ! N. K.