Le cessez-le-feu négocié par Washington et Moscou et entré en vigueur lundi soir dernier en Syrie a pour l'heure permis de réduire de manière significative les violences entre rebelles et forces gouvernementales. Mais la question de l'aide humanitaire n'est pas tranchée et son contrôle fait l'objet d'intenses tractations entre belligérants Les Nations unies ont regretté, hier, que l'aide humanitaire mette «plus de temps que prévu» à arriver à Alep en raison de désaccords persistants entre belligérants du conflit syrien sur les conditions de délivrance de produits de première nécessité aux civils assiégés. Deux convois de camions qui ont franchi la frontière turque attendent depuis mardi dernier le feu vert pour poursuivre leur route en direction de la grande ville du nord de la Syrie, a déclaré un responsable turc hier, au troisième jour du cessez-le-feu censé alléger les souffrances des populations civiles. «Les choses prennent plus de temps que nous l'espérions», a reconnu David Swanson, porte-parole du Bureau de la coordination des Affaires humanitaires des Nations unies (Ocha). «Nous avons 20 camions à la frontière (turque) qui sont prêts à démarrer», a-t-il dit à Reuters. Le responsable turc a parlé de son côté de deux convois de 20 camions chargés notamment de produits alimentaires et de farine bloqués au poste frontière de Cilvegozu, à une quarantaine de km à l'ouest d'Alep. Le cessez-le-feu négocié par Washington et Moscou et entré en vigueur lundi soir dernier en Syrie a pour l'heure permis de réduire de manière significative les violences entre rebelles et forces gouvernementales. Mais la question de l'aide humanitaire n'est pas tranchée et son contrôle fait l'objet d'intenses tractations entre belligérants. Le gouvernement de Bachar al Assad a ainsi prévenu qu'il refuserait toute livraison d'aide à Alep, «en particulier du régime turc», qui ne transiterait pas par lui-même ou les Nations unies. Le conseil gérant les quartiers de l'est d'Alep sous contrôle rebelle, totalement assiégés par l'armée syrienne et ses alliés, a de son côté rejeté tout déploiement de l'armée russe le long de la route Castello, qui doit servir à acheminer l'aide et devenir une zone démilitarisée. «Certains acteurs essaient de tirer un bénéfice politique de cette situation, et c'est quelque chose que nous devons dépasser», a souligné David Swanson. «En plus d'Alep, les opérations humanitaires de l'ONU sont prêtes à fournir de l'aide vitale à d'autres villes assiégées ou difficiles d'accès... mais seulement quand il sera possible d'y accéder», a-t-il souligné. Les Nations unies estiment que plus de 500 000 personnes vivent dans des zones assiégées en Syrie. Malgré ces difficultés, le secrétaire d'Etat américain John Kerry a défendu hier l'accord conclu avec Moscou, estimant que cette initiative diplomatique constituait la seule solution pour tenter d'enrayer le cycle de violences, de morts et de départs en exil. «C'est la dernière chance pour préserver l'unité de la Syrie», a dit John Kerry à la radio NPR. «Si on ne parvient pas maintenant à imposer une cessation des hostilités et un retour à la table des négociations, les combats vont s'intensifier», a-t-il prédit. «Quelle est l'alternative ?», a poursuivi le chef de la diplomatie américaine. «L'alternative serait de passer de 450 000 morts à je ne sais combien de milliers de plus ? Qu'Alep soit complètement envahie ? Que les Russes et Assad bombardent aveuglément pendant des jours pendant qu'on les regarde sans rien faire ?». «Le pilonnage (des rebelles modérés) par Assad et par la Russie risque de les jeter dans les bras de l'ex-Front al Nosra et de l'Etat islamique et il y aura encore plus de radicalisation d'une plus grande intensité.» Les Etats-Unis sont prêts à assumer leur part du contrat en luttant contre les groupes djihadistes qui ne sont pas concernés par la trêve, a conclu John Kerry en réponse aux doutes émis notamment par des responsables de l'armée et des services de renseignement américains sur la sincérité de la Russie en la matière. Interrogé à ce sujet par des journalistes, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a estimé hier que l'avenir du cessez-le-feu dépendrait de la capacité à opérer la distinction entre l'opposition modérée et les «groupes terroristes», rôle qui incombe selon Moscou à Washington. Le flou entourant les futures opérations militaires a suscité de fortes réserves de l'opposition syrienne et des groupes rebelles qui ont accepté l'accord russo-américain, échaudés par l'échec de la précédente tentative de «cessation des hostilités», en février dernier. «Nous ne sommes pas très confiants dans le fait que cette trêve puisse tenir plus longtemps que la précédente», a confié, hier, à Reuters George Sabra. Le dirigeant de l'opposition a estimé qu'il était «trop tôt» pour parler de reprise des discussions politiques, ajoutant que celle-ci dépendrait de la mise en œuvre du volet humanitaire de l'accord, bloqué selon lui par l'insistance de Damas à vouloir contrôler la délivrance de l'aide. Reuters