Premier Novembre oblige, on enregistre un faisceau d'indices favorables, en Algérie et en France, à une reconnaissance des crimes de la colonisation. Au mieux, à des excuses. Il y a d'abord le FLN qui s'est dit encore «attaché à l'exigence légitime d'excuses de la France». Le FLN rouvre donc la boîte mémorielle, mais sans ressortir le projet de loi criminalisant le colonialisme présenté à l'APN en 2010 et relégué depuis aux oubliettes. En même temps, dans un sondage Ifop pour TSA, 52% des Français se déclarent favorables à des excuses officielles de la France pour son passé colonialiste en Algérie. Pour sa part, l'Organisation nationale des Moudjahidine a réitéré son appel aux autorités françaises pour s'excuser au sujet des crimes de la colonisation. En France, le député socialiste des Bouches-du-Rhône à Marseille Patrick Mennucci, a déposé une proposition de loi pour la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat français dans le massacre du 17 octobre 1961. Quelque chose dit donc que les lignes bougent un peu, l'opinion publique française semblant avoir un peu plus de distance à l'égard du passé colonial. D'autre part, le journaliste et essayiste de renom, Edwy Plenel, a renouvelé son propre appel à la reconnaissance officielle des crimes coloniaux en Algérie et demandé la restitution des archives historiques aux Algériens. Donc, repentance, excuses ou simplement une reconnaissance officielle de toutes les abominations de la colonisation ? En réalité, il n'a jamais été question d'exiger une dure pénitence accompagnée d'une douloureuse autoflagellation. Personne ne demande à la France d'être tondue, en robe de bure, et de s'agenouiller pour demander pardon. La reconnaissance attendue de l'Etat et non du peuple français, ce n'est pas le confiteor. Il est vrai que la colonisation française, différenciée selon les pays dominés, n'a pas été une vaste entreprise génocidaire systématique. Ce fut plutôt des crimes de masse, des violences génocidaires ponctuelles. A l'égard de ces crimes d'Etat, qui sont par certains aspects des crimes contre l'humanité, l'Etat français, de Jacques Chirac à François Hollande, a, il est vrai, effectué des pas relativement significatifs, mais insuffisants. En fait, ce qui est attendu de l'Etat français, quel que soit le pouvoir en place, c'est la reconnaissance d'une immense entreprise d'injustices, de crimes caractérisés du système colonial et, enfin, le fait même d'admettre les immenses tragédies qu'elle a engendrées. Or, la France officielle tarde à reconnaître qu'elle a été à la tête d'un grand empire colonial ayant dominé, par le fer, le feu, la torture et la spoliation, des peuples entiers. S'agissant de l'Algérie, on sait que la France est toujours tenue par les lois d'amnistie de 1962 interdisant tout débat public, toute poursuite judiciaire. Et, cerise infamante sur le gâteau du crime colonial, sa représentation politique a gravé dans le marbre de la loi l'apologie du colonialisme présenté encore comme une œuvre de civilisation de peuples sans laquelle ils auraient quitté l'histoire ou n'y seraient jamais entrés ! La loi scélérate de février 2005 est en effet fondée sur le vieux paradigme de la colonisation comme entreprise humanitaire et de modernisation de vieilles sociétés primitives. Et c'est tout juste si elle a admis, dans le sillage d'Alexis de Tocqueville, que la colonisation «est une nécessité fâcheuse». Ce même Tocqueville qui s'exclamait pourtant : «Dieu nous garde de voir jamais la France dirigée par un des officiers de l'armée d'Afrique !» Et alors qu'elle a fini par reconnaître l'esclavage comme «crime contre l'humanité» (loi Taubira de 2001), l'Etat français peine à trouver un consensus national pour la reconnaissance, l'acceptation de la souffrance inouïe de l'Autre, le colonisé où qu'il fut dans l'empire colonial. Finalement, ce qui est attendu, ce n'est pas tant une repentance individuelle qui serait cantonnée au seul domaine franco-algérien. C'est après tout un devoir de vérité et de reconnaissance pour toutes les victimes de la colonisation française, quelles que soient leurs origines. N. K.