Il est souvent utile pour un observateur politique de lire les éditoriaux d'El Djeich, la revue interne de l'Armée nationale populaire (ANP). Car, au-delà des formulations de circonstance, il y a parfois des messages politiques à déchiffrer. Comme, à l'occasion du 62e anniversaire du déclenchement de la guerre d'Indépendance, lire que l'ANP se voit toujours en digne héritière de l'ALN, l'Armée de libération nationale. Et qu'elle considère que cette guerre sacrificielle et son martyrologe, qui lui ont permis de recouvrer la souveraineté et la dignité, ont fait de l'Algérie indépendante «la Mecque de tous les révolutionnaires et les peuples épris de liberté et d'indépendance». Il y a là, probablement, le sentiment d'une certaine nostalgie d'un pays qui fut une locomotive dynamique du non-alignement actif et de la lutte contre l'ordre impérialiste. Mais il n'y a pas manifestement que de la nostalgie pour une Algérie qui comptait alors dans le concert des nations. On y décèle aussi l'idée que cette Algérie-là n'est pas tout à fait morte et qu'elle existe après être devenue plus pragmatique, mais sans pour autant abandonner les principes cardinaux qui constituent encore le socle de l'Etat. On y perçoit également que l'ANP y croit du fait même qu'elle se sente au cœur de cette idée qui veut que l'Algérie s'adapte du mieux possible aux évolutions du monde, mais sans jamais se dénaturer. L'éditorialiste d'El Djeich souligne d'ailleurs que cette idée, qui traverse l'ensemble des corps, verticalement et horizontalement, est amplement partagée par le chef de l'Etat, responsable constitutionnel des forces militaires et ministre de la Défense en titre, derrière lequel l'armée est disposée en bon ordre. Et c'est le même éditorialiste qui le rappelle lorsqu'il suggère que le corps de bataille et les organes sécuritaires, unis, appuient, dans les limites constitutionnelles, la vision politique du moment, portée par le premier magistrat du pays. Cette vision, le président de la République l'a définie lui-même à l'occasion de la célébration du 1er novembre : «La réalisation d'un développement économique et social, à la mesure des besoins de notre population, requiert un effort soutenu et demeure exposée aussi aux aléas de la conjoncture économique et géopolitique extérieure. Voilà pourquoi le succès de cette bataille nécessite un front intérieur solide, afin d'en relever les défis multiples.» Et de souligner que l'ANP est derrière lui en rangs compacts et ordonnés, pour mieux mobiliser «ses capacités, son professionnalisme et son patriotisme […] ainsi que le potentiel et l'expérience de ses corps de sécurité, pour préserver l'intégrité du territoire et éradiquer les résidus du terrorisme de son sol». S'en tenir donc à sa feuille de route constitutionnelle qui consiste à sauvegarder l'intégrité du territoire qui passe, entre autres, par le combat inlassable contre le terrorisme domestique et endémique et le terrorisme transfrontière. Et pour mieux surligner la fidélité à ses missions fixées par la Loi fondamentale et la loyauté de sa hiérarchie à son chef constitutionnel, l'éditorialiste cite à l'appui son chef d'état-major et vice-ministre de la Défense qui rappelle lui-même qu'elle exécute ses missions «sous les orientations du moudjahid, son Excellence le président de la République, chef suprême des forces armées, ministre de la Défense nationale». Ceci dit, de cet éditorial éminemment politique, il faut surtout retenir l'idée d'un «front intérieur solide». Un front absolument nécessaire pour permettre à l'ANP de faire paisiblement son boulot et de se moderniser. Un «front intérieur solide» qui est une condition sine qua non pour continuer à donner au pays la possibilité de poursuivre son effort de construction économique et politique, dans la cohésion et la stabilité sociales. C'est-à-dire dans la concorde nationale vitale pour le pays «dans la conjoncture actuelle, marquée par l'instabilité et les bouleversements régionaux et internationaux». Contexte déterminé aussi par«l'intérêt accordé au développement socio-économique, qui requiert la sécurité et la stabilité, le renforcement de la cohésion sociale, afin d'éviter la fracture, source généralement de violence, d'extrémisme et de déstabilisation du front interne». En guise de conclusion, l'éditorialiste décline la feuille de route constitutionnelle de l'ANP en énumérant ce qui constitue son ordre du jour permanent. A savoir qu'elle «continue, avec fermeté et compétence, d'accomplir ses missions constitutionnelles de préservation de la souveraineté nationale, de protection des frontières, de lutte contre le terrorisme et le crime organisé transfrontalier afin que l'Algérie puisse poursuivre sa marche inexorable sur la voie du développement et du progrès». N. K.