Des anniversaires, le leader de la Révolution cubaine, Fidel Castro, n'en fêtera plus. Mais reposera-t-il en paix, lui qui a dit : «Même les morts ne peuvent reposer en paix dans un pays opprimé» ? L'anniversaire de ses 90 ans, le 13 août dernier restera à jamais gravé dans les esprits : il avait choisi de faire un clin d'œil à l'Algérie en portant un survêtement de l'équipe nationale de football lors d'une cérémonie officielle organisée en son honneur à La Havane. Une image qui a été diffusée dans le monde entier et beaucoup ont manifesté leur étonnement. Mais, en réalité, entre Fidel Castro et l'Algérie c'était bel et bien une vieille histoire d'amour. L'éternel révolté est décédé vendredi soir à La Havane, comme l'a annoncé son frère Raul Castro. Sa dépouille a été incinérée hier conformément à sa volonté. Un deuil national de neuf jours a été décrété. Les funérailles du «Lider maximo» auront lieu le 4 décembre à Santiago de Cuba, au sud du pays. Des hommages divers seront rendus à Cuba, une procession avec les cendres de l'ex-président traversera le pays pendant quatre jours. Le choix de Santiago de Cuba, et plus précisément du cimetière Santa Ifeginia ne doivent rien au hasard. Qualifiée de «berceau de la révolution» par Fidel Castro lui-même, la ville de Santiago de Cuba a été le théâtre du premier assaut lancé par Castro contre le dirigeant Batista, le 26 juillet 1953. Elle est aussi la ville où son père, propriétaire terrien, a fait fortune. Véritable mythe de son vivant déjà, encensé dès la révolution cubaine de 1959 par la presse du monde entier, dinosaure de la politique internationale, Fidel Castro a tenu son île d'une main de fer et a défié la superpuissance américaine pendant plus d'un demi-siècle avant de céder le pouvoir à son frère Raul en février 2008 à la suite de sa maladie. L'homme qui a toujours fasciné ou révulsé est né le 13 août 1926 au sein d'une famille aisée de la bourgeoisie locale. Avocat de formation, le rebelle cubain s'est politisé à grande vitesse, a acquis très tôt une conscience révolutionnaire. Castro, et dès l'installation de la sanglante dictature (20 000 morts entre mars 1952 et décembre 1958), s'est orienté vers une stratégie insurrectionnelle de guérilla, dans le droit fil de l'histoire cubaine. De l'étudiant activiste - inspiré par la pensée et l'action du «héros national» José Marti, mort au combat le 19 mai 1895 - au chef de la guérilla, de l'icône révolutionnaire au Maître de Cuba, Fidel Castro a toujours incarné le défi, le rejet de l'ordre établi et la défense de la justice sociale. Avec son puissant charisme, El Comandante a survécu à une tentative d'invasion et à plusieurs autres d'assassinats. Il a tenu tête à 11 présidents américains et à la pression de 48 années d'embargo. Il s'est lancé dans une guerre à mort contre le géant américain, il s'est fixé la tâche de diffuser sa révolution à travers le vaste «tiers-monde», de l'Amérique latine à l'Afrique. Fidel Castro a apporté son soutien aux luttes de libération sur le continent noir, en Afrique australe notamment. Les forces cubaines ont mené des batailles décisives qui ont abouti à l'indépendance de l'Angola, de la Namibie et de la Guinée-Bissau. Sa contribution à la lutte contre l'apartheid a été saluée par Nelson Mandela. «Cuba n'est pas seulement latino-américain, mais il est aussi latino-africain», disait le père de la révolution cubaine. Cuba a également était aux côtés de l'Algérie durant sa révolution et même après son indépendance. La petite île révolutionnaire n'a d'ailleurs pas manqué de soutenir l'Algérie lors de la guerre des Sables (octobre 1963-février 1964), qui l'a opposée au Maroc. Il y a encore lieu de rappeler qu'en sa qualité de Président, Castro a effectué 7 visites en Algérie indépendante. De même trois présidents algériens ont fait le voyage de La Havane : Houari Boumedienne en 1974, Chadli Bendjedid en 1985, et le président Abdelaziz Bouteflika en 2000. Avec la disparition de Fidel Castro disparaît un des tout derniers géants politiques du XXe siècle, un révolutionnaire qui a fait d'une petite île des Caraïbes un acteur du bras de fer entre les superpuissances du monde. Le Lider Maximo qui a consacré près d'un demi-siècle au service du peuple cubain, a réalisé d'importants progrès dans les domaines de l'éducation et de la santé sur son île natale. Bien qu'il fût une figure controversée, ses partisans et ses détracteurs reconnaissent son amour et son dévouement immenses envers le peuple cubain, qui éprouvait une affection profonde et durable pour El Comandante. Le célèbre homme au cigare et à l'uniforme vert olive était un symbole de la lutte contre l'«impérialisme américain». «Invincible patience. Discipline de fer. La force de l'imagination lui permet de vaincre l'imprévu», écrivait de lui en 2008 son ami, le prix Nobel de littérature colombien Gabriel Garcia Marquez. Fidel Castro, qui a marqué de son empreinte l'histoire du XXe siècle, était le dernier dinosaure du socialisme. Il restera un symbole de la lutte de libération. H. Y.