L'attentat revendiqué par le groupe Daech fragilise davantage le président turc Recep Tayyip Erdogan, d'autant plus qu'il survient suite à une série d'attaques particulièrement sanglantes ayant visé l'armée syrienne. La Turquie d'Erdogan a tenté un certain temps de jouer sur les deux registres en Syrie sans pouvoir engranger des dividendes sur un plan géopolitique. La Turquie avait fortement misé sur une chute rapide du régime syrien avec tous les risques induits par un tel pari. L'armée syrienne a finalement résisté et le régime n'est pas tombé. Erdogan s'est rapproché des Russes pour pouvoir sauver certaines cartes en jeu sur le mouvant terrain syrien. Mais pour les groupes armés engagés en Syrie la volte-face d'Erdogan n'est ni plus ni moins qu'une «traitrise» L'attentat sanglant en Turquie survenu dans la nuit du réveillon pourra probablement constituer l'attaque de trop contre un pays qui semble entrer dans une phase d'instabilité sécuritaire périlleuse. L'attaque, revendiquée par le groupe Daech, fragilise davantage le président turc Recep Tayyip Erdogan d'autant plus qu'il survient suite à une série d'attentats particulièrement sanglants ayant visé l'armée syrienne. L'identité de l'auteur de l'assassinat le 19 décembre de l'ambassadeur de Russie à Ankara avait déjà jeté une ombre d'inquiétude sur le dispositif sécuritaire du pays. Le personnage avait fait partie de la police anti-émeute d'Ankara. Ce qui reste symptomatique de l'état d'incertitude et de déficience des services de la sécurité en Turquie malgré la grande campagne de purge ayant visé tous les secteurs de l'armée et de la police. Il est formellement établi qu'Ankara avait favorisé durant les cinq années de guerre le passage de membres de groupes extrémistes vers les contrées syriennes et de toutes sortes d'armements et de moyens logistiques. La Turquie avait fortement misé sur une chute rapide du régime syrien, avec tous les risques induits par un tel pari. L'armée syrienne a finalement résisté et le régime n'est pas tombé. Erdogan s'est alors rapproché promptement des Russes pour pouvoir garder certaines cartes en jeu sur le terrain syrien. Pour les groupes armés engagés en Syrie (et probablement leurs commanditaires) la volte-face d'Erdogan n'aura été ni plus ni moins qu'une «traitrise». Syrie, le retour de flamme L'histoire le retiendra, la posture ambivalente du président Tayyip Erdogan dans l'explosif et complexe dossier syrien aura joué grandement dans ses difficultés actuelles. Ayant fortement tablé sur la chute rapide du régime syrien et voulant probablement se réserver un rôle incontournable dans l'après, Erdogan s'est fourvoyé dans un conflit plus alambiqué qu'il ne l'avait prévu. La Syrie s'est avérée être un cas particulièrement différents des autres contrées arabes ayant subit les fameux «printemps arabes». L'axe Damas-Téhéran-Hezbollah s'est avéré plus solide qu'il n'y paraissait au départ. L'apport de la Russie dans le conflit aura définitivement scellé les ambitions d'Ankara et aussi ceux de plusieurs acteurs occidentaux et arabes ayant investi beaucoup dans cette guerre. La Turquie d'Erdogan a tenté un certain temps de jouer sur les deux registres en Syrie, sans pouvoir engranger des dividendes sur un plan géopolitique. Le face-à-face d'Ankara avec Moscou sur la question syrienne a failli plusieurs fois dégénérer, notamment lorsque un avion militaire russe a été abattu par la chasse turque au-dessus de la frontière turco-syrienne. Un incident grave qui aurait pu déboucher sur un conflit ouvert entre les deux pays dont les intérêts sont particulièrement enchevêtrés. La sensibilité de la question syrienne était telle que les deux pays étaient obligés de gérer avec doigté ces phases de turbulences porteuses de conflagration. Plus récemment le coup d'Etat manqué ayant visé Erdogan en juillet 2016 est venu comme pour confirmer au président turc la malveillance des occidentaux à son encontre et particulièrement les Etats-Unis. La déception d'Erdogan envers les Européens, toujours réfractaires à une éventuelle adhésion de la Turquie dans l'UE aura contribué à pousser Ankara à la recherche d'un rôle plus conforme à son histoire moyen-orientale. Mais cette recherche d'un destin vers l'est semble aujourd'hui se fracasser contre l'inextricable conflit syrien. Erdogan devra tôt au tard prendre langue avec le gouvernement syrien qu'il a pourtant voué aux gémonies et voulu détruire. Kurdistan, le talon d'Achille Il est évident que la question kurde demeure le dossier le plus préoccupant pour le gouvernement turc pour la simple raison que ça concerne une composante importante de la population et du territoire de la Turquie. Le rôle joué par les services spéciaux américains dans l'assistance des mouvements kurdes YPG dans le nord syrien n'a jamais été vu d'un bon œil par Ankara. Ce qui a contraint l'armée turque à intervenir à l'intérieur des territoires syriens. Un contrôle des zones du nord de la Syrie par les kurdes constituerait un sérieux casse-tête pour la Turquie d'autant plus que Damas pourrait ne pas hésiter à utiliser le dossier kurde contre le «traitre» Erdogan qui a joué un rôle de premier plan dans la déstabilisation de la Syrie en accord avec les pays du Golfe. L'avènement des Russes dans l'imbroglio syrien aura complètement modifié le rapport des forces en présence. Erdogan, dans l'embarras, s'est retrouvé obligé de changer de politique pour pouvoir bénéficier d'un rôle probant dans le futur de la Syrie. L'accord russo-turc sur un cessez-le-feu et l'engagement de pourparlers sur la Syrie aura constitué l'événement politique majeur de l'année écoulée. Pour cette année qui débute Erdogan risque fort de se retrouver dans une situation difficile. Entre l'instabilité interne, les difficultés extérieures, et les rapports conflictuels avec les occidentaux. Le président syrien Bachar Al-Assad avait un jour dit à son propos que «celui qui garde un scorpion dans sa poche devrait bien s'attendre un jour à se faire piquer». Prémonitoire. M. B.