Il y a cinq ans, il n'appartenait pas au monde de la politique. Jamais élu, ne serait-ce que conseiller municipal. Pas membre d'un parti politique. Aujourd'hui, à l'issue d'une ascension fulgurante, Emmanuel Macron est président de la République française, élu, hier, dimanche 7 mai, contre Marine Le Pen, qui risquait en cas de victoire de mener la France dans un désastre, pour reprendre les craintes de l'ancien Premier ministre de droite et gaulliste, Alain Juppé. La France démocrate, la France Républicaine a lâché un Ouf ! de soulagement dès l'annonce des premiers résultats, même si les sondages de ces derniers jours étaient rassurants au regard du grand écart prévisionnel de points entre les deux protagonistes. Pour vaincre, Macron a bénéficié à la fois d'un vote d'adhésion et d'un vote de raison venant de millions d'électeurs, de gauche comme de droite, pas d'accord avec son projet, mais déterminés à barrer la route à l'extrême-droite. À 39 ans, Macron est le plus jeune président de la République que connait la France. L'énarque, banquier d'affaires, a fait ses premiers pas et son entrée dans le monde politique auprès de François Hollande. Conseiller économique avant 2012, il devient secrétaire général adjoint de la présidence après la victoire de son mentor contre Nicolas Sarkozy, répudié après un seul mandat à la tête de l'Etat français. En 2014, il est promu ministre de l'Economie. Au bout d'une année et demie, il révèle son ambition : devenir président de la République ! Il crée en avril 2016 un mouvement, «En marche !», quitte le gouvernement et se lance dans sa grande aventure considérée presque par tout le monde comme insensée. Il bouscule les équilibres et la structuration traditionnelle de la politique française entre droite et gauche en se positionnant au-dessus de ces deux forces, ainsi que du centre. C'est la renaissance de la théorie de la troisième voie, qui n'a jamais réussi dans le passé, qui veut que la division doit passer entre, d'un côté, les progressistes, et, de l'autre, les réactionnaires, s'appuyer sur une «majorité d'idées» sans référence à une coloration politique. Au fil des mois En marche engrange des dizaines de milliers d'adhésions, y compris de nombreuses personnalités politiques de bords différents. Le mouvement s'inscrit sérieusement et durablement dans le paysage politique français. Le reste est connu : une longue campagne électorale présidentielle, pour se faire connaître et convaincre de la crédibilité de son programme, où il s'impose incontournable, éliminant ses concurrents de droite comme de gauche pour aboutir au face-à-face avec la candidate de l'extrême-droite. Ce face-à-face a connu son apothéose mercredi soir dernier avec le débat télévisé où Le Pen s'est discréditée par son comportement et le contenu de ses propos. Huitième président de la Ve République élu au suffrage universel, Macron sera installé dans ses fonctions le 14 ou le 15 mai prochain. Il lui faudra nommer un Premier ministre, former un gouvernement et s'engager dans une nouvelle bataille en juin, celles des élections législatives. Cette bataille est éminemment importante car, soit les Français lui accordent une majorité présidentielle à l'Assemblée nationale, et il applique son programme, qualifié de social-libéral, soit ils donnent la majorité à une force politique d'opposition, et ce sera la cohabitation avec un gouvernement qui ne sera pas le sien. Peut aussi se dégager une Assemblée sans aucune majorité. C'est alors la recherche d'une coalition pour diriger le pays ou l'ouverture d'une grave crise politique. De prime à bord, l'arrivée de Macron au palais de l'Elysée n'est pas une mauvaise nouvelle pour l'Algérie. C'est plutôt le contraire avec celui qui a tenu à se rendre à Alger durant sa campagne électorale et où il a eu le courage politique de qualifier la colonisation de crimes contre l'humanité. Malgré une déferlante de critiques et d'injures à son encontre venant de la droite, de l'extrême-droite et de nostalgiques de l'Algérie française, Macron a tenu bon en expliquant que sa position ne visait pas les Pieds-Noirs et les harkis, mais l'Etat français qui est responsable historiquement. Et à la veille de ce 8 mai, il s'est exprimé, vendredi soir dernier, sur les massacres de Sétif en 1945. S'exprimant au journal du net Médiapart, il a déclaré : «Ce 8 mai-là, c'est mal tombé, je ne serais pas encore investi. Si j'étais élu, mais, de fait, je prendrais des actes forts et je porterais des discours forts sur cette période de notre histoire…» Comme l'a déjà déclaré le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, Ramtane Lamamra, Macron est un ami de l'Algérie. Mais en amitié, comme en amour, ce sont les actes qui comptent. Le Macron président sera-t-il le même que le Macron ministre puis candidat à la magistrature suprême de son pays ? Sera-t-il le continuateur de Hollande, qui a été positif, ou, comme il s'est engagé, ira-t-il plus loin sur les questions historiques, sur les relations économiques, la coopération dans la lutte contre le terrorisme et la diplomatie régionale ? A cet égard, il sera scruté sur la position qu'il prendra sur une question coloniale aussi sensible que celle du Sahara occidental. Sera-t-il le continuateur de la politique néfaste suivie tant par Sarkozy que par Hollande qui consistait à soutenir la thèse marocaine ? Ou est-ce que le pays membre permanent du Conseil de sécurité renouera avec sa responsabilité de l'un des cinq gardiens du respect du droit international et, à ce titre, reviendra au principe universel fondamental de l'application du droit à l'autodétermination des peuples non autonomes ? M. M.