En juin 2017, le chef de l'Etat demande au gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune, dans le cadre solennel du Conseil des ministres, de réformer, en priorité, le système bancaire. Le président Abdelaziz Bouteflika, dans son discours d'investiture d'avril 2009, souligne que «pour faire face à cette perspective, nous nous sommes attachés […] à assainir nos institutions financières et à engager le processus de leur modernisation». Le président de la République, toujours lui, en avril 2005, et devant les cadres de la Nation réunis à Alger se demande : «Où est cette réforme bancaire, dont on nous parle depuis 1999 et qu'on n'a pas encore vue ?». Et toujours le président Abdelaziz Bouteflika, qui, cette fois-ci, à Sea Island, aux Etats Unis, qui souligne, en juin 2004 devant le G8, que «la poursuite des réformes se concentrera désormais sur la modernisation du secteur financier et bancaire». Et en 1999, et alors qu'il venait de succéder au président Liamine Zeroual, il déclarait déjà, à l'hôtel Aurassi : «Il faut assurer la transformation des banques par leur adaptation aux exigences d'une économie libérale moderne». On le voit bien, ces déclarations récurrentes du chef de l'Etat montrent clairement son profond souci de moderniser le secteur bancaire qui est le facteur de stagnation le plus important de notre économie, et qui représente un danger majeur pour elle. Elles sont aussi la preuve accablante de l'absence totale de réforme d'un secteur antédiluvien. Cela prouve que tous les gouvernements qui ont précédé celui de M. Abdelmadjid Tebboune n'ont donné aucune suite concrète aux exhortations successives et sans doute inquiètes du président Abdelaziz Bouteflika. Pourtant, une réforme profonde du système bancaire relève d'une plate évidence. La crise financière ne peut être en effet combattue par des mesurettes ou des rustines. Elle nécessite la mise en œuvre d'une réforme profonde qui nécessite de changer les paradigmes, les hommes et les méthodes de travail. Une réforme urgente, avec un grand «R» et un grand «U», celle du système bancaire, dont la nature et le fonctionnement représentent un risque majeur pour la sécurité financière, la sûreté économique et la stabilité politique du pays. Il est absolument anormal qu'un pays à revenus intermédiaires comme le nôtre, presque totalement dépendant de la rente pétrolière, ait pris un si énorme retard dans la modernisation de son secteur financier. Là aussi le statu quo est mortifère. La réforme est donc nécessaire pour créer ce choc de confiance pour garantir l'adhésion de tous les acteurs économiques et de la population. Faut-il le répéter encore, nos banques publiques fonctionnent comme un oligopole sclérosé qui recycle les dépôts issus des revenus pétroliers et n'accorde des financements qu'aux entreprises publiques et à un pool réduit d'entreprises privées triées sur le volet. Les PME-PMI, qui représentent la part la plus importante du tissu économique, et qui sont le vrai moteur de la croissance et de l'emploi, peinent à obtenir des financements mêmes modestes. Le marché interbancaire ou ce qui en tient lieu ne fonctionne pas comme il le devrait. Les banques publiques ne coopèrent pas du tout avec les banques privées qui sont toutes à capitaux étrangers. Après la liquidation de la Khalifa Bank, l'Algérie s'est placée dans la catégorie peu enviable des rares pays au monde à ne pas disposer de banques à capitaux privés nationaux. En outre, et c'est encore déplorable, une part très importante de la liquidité monétaire échappe au système bancaire. Les raisons sont connues : défiance vis-à-vis des banques et absence de supports de placement et d'épargne assez attractifs. S'ajoute aussi le faible développement de la monétique et les retards inouïs et incompréhensibles dans la mise en œuvre du paiement électronique. Reste la question de la Bourse. Son développement est fortement pénalisé par l'absence de professionnels en nombre et en qualité pour animer le marché. Notamment pour encourager les entreprises publiques et privées à émettre des titres de dette ou des actions. Il faudrait donc repenser la notion même de patriotisme économique ou de souverainisme financier. Le patriotisme économique, le vrai, a pour seule philosophie la performance de l'économie et son pouvoir de création de richesses et d'emplois. Le protectionnisme ne doit pas signifier la perpétuation des logiques rentières et de l'économie administrée. Seul compte le souci permanent d'élever la productivité, de stimuler l'innovation et de créer les emplois nécessaires pour assurer la stabilité politique et sociale. Une telle transformation, si elle est lancée et menée à son terme, aura une incidence profonde sur la place de l'Etat dans l'économie. La dépense publique ne serait plus alors le moteur principal de l'économie, mais le stabilisateur et le soutien à des activités à «externalités positives» comme la recherche-développement. Cette inévitable et vitale entreprise de transformation exige de s'appuyer sur des hommes et des femmes ad hoc. Ça devrait être théoriquement le cas du gouvernement actuel. N. K.