Photo : Zohoïr Entretien réalisé par Badiaa Amarni LA TRIBUNE : Pourriez-vous d'abord nous dresser un bilan de votre organisme ? Taleb Ahmed Chawki : Le bilan est on ne peut plus positif. Il faut souligner qu'il s'agit là d'un dispositif qui a à peine 4 ans d'existence. Il a démarré, en effet, au mois d'avril 2004, et depuis il a permis la création de 6 000 entreprises génératrices de 14 000 emplois. Il est important de retenir que ce dispositif a permis de transformer des chômeurs en créateurs d'entreprises, devenus eux-mêmes employeurs et créateurs d'emplois. Quelles sont les difficultés qui entravent le fonctionnement de ce dispositif ? Je parlerais plutôt de ses points forts et de ses points faibles. Notre vision sur le terrain consiste à consolider toutes les actions qui mènent à la création d'entreprises, à savoir développer les compétences du promoteur à travers un accompagnement personnalisé, car il ne faut pas perdre de vue que n'est pas entrepreneur qui veut. C'est vous mentir que de dire qu'il n'y a pas de points faibles. Cependant, de gros efforts sont fournis pour faciliter le parcours du porteur du projet. A cet effet, les pouvoirs publics veillent à ajuster et donc régler tous les problèmes inhérents aux dispositifs de création d'activités à travers des conseils interministériels réguliers. En effet, grâce à cela, nous sommes parvenus à réduire les délais. Par exemple, aujourd'hui un dossier est traité au maximum en deux mois, alors qu'auparavant, c'était des délais de trois mois. Certains dossiers ont même avoisiné les huit et dix mois. Heureusement, grâce au dernier conseil interministériel du 6 juillet, nous sommes arrivés à les réduire à deux mois. Qu'en est-il de la formation des jeunes dans la création des entreprises ? La CNAC, dès le commencement, a pris en charge tous ces éléments. Nous avons formé des conseillers animateurs à l'étranger ; leur rôle, c'est de prendre en charge ces chômeurs dans la phase post-création de l'entreprise. Automatiquement, dès que le jeune chômeur se présente, on essaye de lui inculquer le type de management auquel il faudrait se préparer. Bien sûr avant la notification bancaire. Même après avoir obtenu cette dernière, nous continuons à le prendre en charge pour un minimum d'une semaine pour lui inculquer des règles élémentaires pour être un véritable manager d'entreprise qui est au fait de la fiscalité, entre autres, et des procédures de paiement. Nous les sensibilisons autour des transactions bancaires, sur ce que c'est qu'un chèque, sa valeur… C'est-à-dire, ce que veut dire le management en lui-même dans son ensemble, on lui explique ce que veut dire le process de production dans n'importe quel créneau choisi. Toutes les recommandations nécessaires se font avant le démarrage par nos soins. Comment se font concrètement ces formations ? Nous avons des salles spécifiques dans chaque wilaya pour ces cours de formation dispensés par des conseillers animateurs. Quelles sont les difficultés rencontrées au niveau des banques par les jeunes ? Grâce au CIM du 6 juillet dernier, nous avons enregistré un bond important de notification de crédit. Et là je peux vous assurer qu'on est parvenu à des statistiques plus importantes en six mois, alors qu'auparavant ces notifications se faisaient en une année et demie parfois. Maintenant, il y a même des wilayas où les notifications ont été délivrées dans le mois. C'est dire la rapidité de l'opération. Des exemples de jeunes qui ont réussi dans leurs entreprises ? Oui, dans le dernier Salon de l'emploi a exposé une dame qui a créé une entreprise de fabrication de clous. Elle a commencé avec trois employés et maintenant elle a réussi à créer une dizaine d'emplois. D'autres réussites ont été enregistrées au niveau de l'artisanat. Il y a aussi un autre exemple de réussite au niveau des Hauts Plateaux dans l'élevage ovin. La personne a commencé avec deux employés et maintenant se retrouve avec 14. Y a-t-il eu des cas de rejet de dossier de jeunes porteurs de projets ? Aujourd'hui, je peux vous dire que le nombre de rejets est devenu minime. Si ça représente un maximum de 2%, c'est déjà beaucoup. Car, actuellement la mise en place des comités de suivi de validation et même de financement a beaucoup arrangé les choses. Dès que ce comité donne son accord, cette attestation d'éligibilité est une voie de financement. Elle est automatiquement acceptée par les banques. Auparavant, même avec cette attestation d'éligibilité, le dossier était rejeté et ce, malgré la présence d'un représentant de la banque au niveau dudit comité. Des chiffres à avancer sur le taux de mortalité des entreprises créées dans le cadre de la CNAC ? Notre accompagnement se fait à travers un suivi rigoureux du projet. Des visites inopinées sont organisées régulièrement pour savoir où en est l'entreprise, car il y va de sa pérennité et surtout de la sauvegarde des emplois créés à travers elle. D'où la décision de la CNAC d'accompagner l'entreprise réellement pendant une durée de 2 ans. Il s'agit là d'un suivi permanent, et en plus nos conseillers animateurs sont instruits d'aller voir ces entreprises sur le terrain. Chaque mois, nous éditons des listings de toutes les entreprises financées. Dans chaque wilaya, nous avons instruit nos responsables à les suivre minutieusement. Le taux de sinistralité pour la CNAC est vraiment infime. Au 31 décembre 2008 à l'exception de 7 entreprises dont la troisième échéance n'a pu être engagée et chacune pour des spécificités bien définies, le reste a pu voir le jour. Quelle est la moyenne annuelle de création d'entreprises au niveau de la CNAC ? Une moyenne environ de 2000. Le message que je voudrais transmettre, c'est de travailler pour sortir soi-même du chômage en aidant d'autres à s'en sortir aussi. Quel est justement, selon vous, l'avenir de l'entreprenariat en Algérie ? Il faudrait changer les mentalités. La ressource humaine est l'élément le plus important. L'universitaire doit se faire à l'idée de se prendre en charge seul avec ses compétences. Mon souci personnel, et je l'ai toujours dit, c'est d'inculquer au jeune que demain c'est lui qui devient le patron. L'entreprenariat a un avenir prometteur en Algérie. J'encourage tous les jeunes à se prendre en charge. J'ajouterai que la cellule familiale doit inculquer l'esprit de responsabilité à ses enfants. Mais les autorités locales, elles aussi, doivent préparer le retour du jeune dans sa région après son cursus universitaire. C'est là une problématique que j'ai toujours posée au niveau des autorités locales pour jouer leur rôle. Chaque élu a un rôle très important à jouer en incitant les jeunes à se fixer ou faire revenir les jeunes qui partent pour l'université surtout pour ce qui est des régions du Sud et des Hauts Plateaux. Nous avons vécu une année 2008 marquée par la crise financière au niveau mondial. A-t-elle eu une répercussion quelconque sur la création des entreprises CNAC en Algérie ? Vous savez, les répercussions s'effectueront dans le temps et c'est pour cela que les pouvoirs publics ont pris les devants. D'ailleurs, même le président de la République l'a expliqué dans son discours du 24 février. La sécurité est là aujourd'hui. Donc, il y va du travail, de la valeur ajoutée de chacun d'entre nous, y compris le plus petit élément. C'est la force du travail, et la ressource humaine, voire la multiplication des efforts qui vont nous permettre de contrecarrer cette crise.