Quand, à l'occasion de certaines fêtes commémoratives, le président de la République promulgue des mesures de grâce au profit de certaines catégories, condamnés, détenus ou non détenus, l'administration pénitentiaire s'assure évidemment que la mesure ne profite qu'à ceux répondant aux conditions édictées par les décrets promulgués à cet effet. C'est un truisme de le souligner, mais mieux vaut le faire, ce ne sont pas les services de la présidence de la République qui se chargent des vérifications d'usage. Ainsi, si par mégarde, manque de vigilance ou commission de faux, venaient à figurer parmi les libérables des condamnés n'y ouvrant pas droit, les responsabilités seront cherchées ailleurs. Le principe de précaution, tout comme l'anticipation et l'évaluation des hypothèses envisageables sont, normalement, des exercices courants de la gouvernance administrative, voire politique. Qui a dit : «Gouverner, c'est prévoir» ? On ne sait pas si des détenus libérables ont concouru lors de cette assez discutable session de rattrapage du baccalauréat décidée par le chef de l'Etat au profit de certaines catégories de candidats «retardataires» de la «session ordinaire» de juin. Mais il apparait clairement, dès le premier jour de l'examen de la deuxième chance, que les absentéistes de juin le sont aussi majoritairement en juillet. Sur la centaine de milliers de postulants au titre sanctionnant le cycle secondaire qui se sont fait porter pâles la première fois, l'écrasante majorité des candidats putatifs a fait le choix de l'école buissonnière la deuxième fois. Et comme il est désormais de tradition en pareil cas, ministère de l'Education et syndicats avancent des chiffres différents, surtout quelques-uns parmi les seconds prompts à profiter de l'aubaine pour planter une banderille de plus dans le dos de Mme Benghabrit. Mais la question n'est vraiment pas celle des chiffres. On se contentera de retenir que, globalement, les absentéistes récidivistes se recrutent dans une proportion qui frôle les 90% parmi les 94 000 candidats libres sur les 104 000 admis à repasser l'examen. La vraie et pertinente question est plutôt celle-ci : avant de prendre les dispositions nécessaires pour appliquer la décision présidentielle, les différents corps de l'administration centrale concernés ont-ils envisagé, et de quelle manière, le scénario proche de la catastrophe qui a dénaturé le sens du geste du président de la République ? Ne pas oublier que des moyens énormes et une grosse logistique ont été mobilisés à cette fin, qui plus est sous la contrainte de délais rapprochés et pressants. «En toute chose il faut considérer la fin», c'est la substantifique moelle d'une morale de la vie quotidienne qu'en tire le fabuliste Jean de La Fontaine dans son histoire du renard et du bouc. La vie institutionnelle aussi doit reposer sur cette gouvernance de l'anticipation. A. S.