Nos enseignants français, dont beaucoup étaient des pédagogues dispensant le savoir sans faire de distinction entre les élèves, nous ont longtemps inculqué - très involontairement, sans aucun doute- une fausse vérité. Mais comme ils étaient, pour beaucoup d'entre eux, contre les exactions de l'armée coloniale, leurs leçons étaient, à nos yeux, vérité d'Evangile. Ainsi de cette contre vérité géographique et climatologique : l'Algérie jouit d'un climat tempéré. Dans l'arrière-pays et les montagnes, les autochtones qui venaient à peine de sortir du statut de l'indigénat, savaient, eux, que le climat de leur pays allait d'aride à semi-aride et que la douceur de l'air ne balayait qu'une mince bande côtière d'une centaine de kilomètres avant l'entrée dans le plus grand désert du monde (2 millions de km2). Bien sûr, nous ne les croyions pas sur cette assertion climato-édénique. Surtout quand, avec nos petits seaux bricolés et gagnés par la rouille, nous allions aux aurores payer à l'eau son tribut quotidien. Mais nous étions déjà plus chanceux que nos aînés qui le payaient, eux, à la corvée de bois. L'enseignement était bon, mais les souvenirs d'enfance restent ceux d'une aridité parfois infernale. Plus d'une fois, le feu s'est amusé à taquiner nos pauvres villages. Et il n'y avait ni pompiers ni avions bombardiers d'eau. On éteignait avec de simples branchages et toutes les personnes valides, de 7 à 77 ans, s'y mettaient. Elémentaire, non ! En somme, les étés algériens ont toujours été synonymes de feux de forêt et d'incendies. Et ils le sont toujours. Avec certainement une intensité variable selon la nature du couvert végétal, le relief et l'urbanisation souvent anarchique (ou semi-anarchique) qui caractérise les abords des forêts. Comme dans neuf cas sur dix, c'est le «brun de tête» (Kahl Erras) qui campe le rôle de Néron, l'origine de l'enfer qui détruit nos forêts n'est pas difficile à deviner. Mieux, Noureddine Bedoui, homme bien informé avec tous les BRQ quotidiens qui atterrissent sur son bureau, apportent de l'eau au moulin de ceux qui incriminent l'homme. Depuis Tarf, à l'extrême est du pays, à la frontière avec la Tunisie, le ministre de l'Intérieur n'a pas fait dans la langue de bois (calciné) pour le dire, ce jeudi : des incendiaires-pyromanes ont été arrêtés à Annaba et Bouira et présentés à la justice. Eh oui, des gens fascinés par le feu, ça existe. Comme il en existe d'autres qui le sont par les profits qu'ils peuvent en tirer : savourer une vengeance sur les autorités ou la société, voire les deux à la fois, récupérer du charbon de bois, rendre constructibles des terres qui ne le sont pas, dévier un projet étatique… Bref, il y a autant de mobiles que de profils adorateurs du feu. M. Bedoui, en sa qualité de premier policier du pays, a en fait esquissé une typologie de nos étés infernaux. Il faut approfondir en en tirant les enseignements et penser déjà à l'été 2018. L'Etat débroussaillera là où ce sera nécessaire, il ouvrira en nombre suffisant des voies d'accès dans les massifs forestiers, il mettra sur pied, au besoin, une flotte d'avions bombardiers d'eau… Bref, il devra mettre le pied à l'étrier sans tarder aux experts dans le domaine, nationaux et étrangers. Pour que l'été 2018 ne ressemble pas trop à l'été 2017. A. S.