De notre correspondant à Oran Mohamed Ouanezar La bonne pluviométrie de la saison écoulée a provoqué dans le secteur des ressources hydriques une embellie et une satisfaction générale. Dans une grande majorité, les barrages du pays sont remplis d'une manière plus que satisfaisante, puisque 19 parmi eux l'ont été à 100%. C'est une première dans l'histoire des barrages du pays. C'est le cas de celui de Boughrara qui a débordé pour la première fois depuis sa réalisation. Des lâchers systématiques sont pratiqués afin d'éviter des complications. Grâce à une pluviométrie généreuse, les réserves hydriques nationales ont atteint 3 milliards de mètres cubes, soit un taux de remplissage de plus de 63%. Le secteur continue de vivre au rythme des réalisations des ouvrages et des usines de dessalement pour la production des eaux non conventionnelles. dans l'Ouest du pays, les barrages ont profité de cette bonne pluviométrie et ont vu leurs taux de remplissage atteindre les 74%, nous dit-on. Une situation fragile et insoutenable Pourtant, il y a moins d'une année seulement, les responsables du secteur des ressources hydriques avaient tiré la sonnette d'alarme du fait des faibles niveaux de remplissage des barrages à cause de l'envasement, mais aussi à cause d'une pluviométrie capricieuse. C'est le cas pour Oran qui a vu son alimentation à partir du barrage de Gargar suspendue pour cause de chute alarmante du niveau de l'eau dans ce barrage. Avec un taux d'emmagasinement d'une capacité moyenne de 360 millions de mètres cubes, le niveau du barrage de Gargar a chuté à des seuils alarmants pour atteindre seulement 4,91 millions de mètres cubes, au début de l'année dernière, ce qui a obligé les responsables du secteur à arrêter complètement les transferts vers Oran afin de sauver Gargar. A lui seul, l'envasement des barrages qui desservent la capitale de l'Ouest prive ces ouvrages hydriques de plus de 89% de leurs capacités. «Ils ne fournissent que 11,34% de leurs capacités», affirmaient il y a une année les responsables de l'Agence nationale des barrages qui estimaient que «la réserve des barrages concourant à l'approvisionnement en eau potable de la wilaya d'Oran est de 91,84 hm3». Or, les besoins ménagers d'Oran sont évalués à 350 000 m3/jour. Les différents arrêts techniques et les caprices de la pluviométrie des deux années écoulées ont produit des effets néfastes sur la distribution et l'alimentation des agglomérations oranaises en eau potable. Du coup, d'autres installations du même type ont été réalisées ou sont envisagées. Tel est le cas pour la mini-station de dessalement de Bousfer qui dessert les populations de la daïra de Aïn El Turck ou encore le projet de réalisation d'une méga-station de dessalement de l'eau de mer dans la commune côtière de Mers El Hadjaj ainsi que dans la wilaya de Aïn Témouchent. Autant de projets qui dénotent le caractère particulier et sensible du secteur à la lumière des crises récurrentes qui le secouent depuis quelques années. L'Oranais consomme trois sortes d'eau Cette rareté des ressources hydriques et la consommation séculaire des eaux saumâtres dans la région de l'Oranie ont laissé un arrière-goût dans les esprits des ménages. Du coup, les Oranais payent trois sortes d'eau pure pour leurs besoins quotidiens. Se méfiant de l'eau du robinet croyant qu'elle est non potable, ils achètent l'eau des bassins proposée par les colporteurs à raison de 10/5 litres. Cette eau est destinée à la consommation des adultes et est utilisée dans la cuisine généralement. Ensuite, il y a l'eau qui coule des robinets, et qui est destinée surtout aux douches et aux tâches ménagères. «L'eau des robinets n'est pas fiable. Les gens ont peur des contaminations par les réseaux des eaux d'assainissement, comme cela a été le cas dans plusieurs localités. Il y a également l'absence de spécialistes pour l'entretien et la gestion des châteaux d'eau, d'où le surdosage récurrent de l'eau par un taux élevé de chlore», note un laborantin privé. Et, enfin, l'eau minérale qui est destinée à la consommation des plus petits par peur des maladies et des contaminations. Pourtant, dans la plupart des cas, l'eau proposée par les colporteurs n'est pas systématiquement contrôlée par les services et les laboratoires d'hygiène concernés. La gestion déléguée, quels résultats ? Depuis plus d'une année et demie, le concept de la gestion déléguée de l'eau est une réalité dans la capitale de l'Ouest. C'est la SEOR, une entreprise de droit algérien qui prend en charge la gestion du réseau de l'alimentation en eau potable de la ville au nom de la société espagnole AGBAR qui gère l'eau de la ville espagnole de Madrid. Le constat est terrible pour ces spécialistes de la gestion hydrique, puisqu'ils se retrouvent en face d'une problématique majeure. Le réseau de canalisation est assez vétuste et requiert, ainsi, sa rénovation. L'une des conséquences immédiates de cette défection du réseau réside dans des pertes considérables d'eau. Selon des sources de la SEOR, «les fuites engendrées par le réseau défectueux produisent des pertes de l'ordre de 46%, l'équivalent de 70 000 m3 par jour qui se perdent dans la nature», note-t-on. Le réseau d'alimentation d'Oran est évalué à 2 300 km et date de l'époque coloniale. Selon les mêmes sources, «pas moins de 11 000 fuites ont été enregistrées durant l'année 2008. Selon la SEOR, les travaux de canalisation et de réfection des réseaux de l'alimentation en eau potable avancent de manière satisfaisante. Pour un montant de 1 milliard de dinars, la commune d'Oran voit son réseau en cours de rénovation ainsi que plusieurs communes comme Arzew, Aïn El Turck, Bir El Djir, Es Sénia, Oued Tlélat, Béthioua et Boutlélis. Par ailleurs, la commune d'Oran a également bénéficié dans le cadre des programmes sectoriels d'une enveloppe de 650 millions de dinars pour le renouvellement des installations de certains quartiers considérés, à juste titre, comme vétustes. Bien que la distribution de l'eau potable soit rétablie, le spectre d'une crise à grande échelle ne quittera jamais les esprits des Oranais harassés par des années d'incurie.