Certains pays naturalisent des sportifs étrangers dans le but de renforcer les capacités de leur équipe nationale. Si, en soi, le phénomène n'a rien de nouveau, ce sont les motivations qui changent. Aujourd'hui, les joueurs acceptent de défendre les couleurs d'un pays qu'ils connaissent à peine contre de fortes sommes d'argent. Une tendance que la FIFA tente d'endiguer pour prévenir les «naturalisations de masse». C'est la nouvelle crainte de la Fédération Internationale de football. La FIFA s'inquiète du fait que quelques pays accordent la nationalité à des joueurs étrangers dans le seul but de fortifier leur équipe nationale. Le phénomène n'est pas nouveau, mais tend à s'accentuer ces derniers temps, notamment en Afrique. Certaines pratiques ont été mises en lumière lors de la Coupe d'Afrique des nations (CAN) 2004, qui s'est déroulée à Tunis. Auparavant, les naturalisations existaient, mais de façon sporadique. Les joueurs avaient une connexion avec le pays qui les naturalisait. Par le biais d'un mariage ou par le fait qu'ils y résidaient depuis plusieurs années, par exemple. Le Rwandais de souche congolaise (RDC) Joao Henriette Elias fait partie de ceux qui ont développé un sentiment affectif envers un pays autre que le leur. Pris en sympathie par quelques amis Rwandais, bien qu'évoluant en Belgique, il a préféré défendre les couleurs du Rwanda lors de la CAN 2004 à Tunis. La greffe a d'ailleurs bien pris, car il a été l'auteur du seul but lors de son premier match de CAN contre la Tunisie, hôte de la compétition. Les cas de naturalisation par affinités semblent faire figure d'exception. Car aujourd'hui, beaucoup pensent que ce n'est plus un lien affectif qui motive les naturalisations, mais plutôt la volonté de doper les performances des équipes nationales. Du coup, des sportifs, toutes compétitions confondues, se retrouvent à défendre les couleurs d'une nation qu'ils connaissent à peine. Un phénomène qui risque de s'étendre, mais qui reste difficilement mesurable et localisable. Plusieurs pays ont été médiatisés pour leurs récentes acquisitions. La tendance s'est inversée alors qu'avant, les joueurs faisaient la demande de naturalisation : ils sont aujourd'hui courtisés. Un pays africain dont l'entraîneur était brésilien a fait appel à treize footballeurs de son pays pour jouer les éliminatoires de la CAN. Une tactique décriée par ceux qui devaient affronter ce pays. Exemple flagrant de naturalisation massive, ratée et coûteuse, puisque les joueurs venus d'Amérique latine auraient été copieusement rémunérés. En revanche, la Tunisie, qui a accueilli la CAN 2004, comptait à son actif dans l'équipe nationale deux Brésiliens. Il s'agit du défenseur José Clayton, qui joue dans cette sélection depuis 1998, et surtout de l'attaquant Francis Silva Dos Santos, arrivé à la fin de l'année. Avec quatre buts marqués lors de la compétition, il s'est placé parmi les meilleurs buteurs de cette 24e édition et a grandement contribué à porter la Tunisie au sacre final Certaines des naturalisations faites il y a quelques années se montrent tout aussi fructueuses. Pour parer à toute dérive, la FIFA a comblé le vide juridique. «Il n'y a pas de détournement de la loi car il n'y a pas de loi concernant ce sujet, reconnaît-on à la fédération. La règle stipule qu'un footballeur peut jouer pour une équipe nationale autre que celle du pays où il joue, s'il n'a jamais été sélectionné pour l'équipe nationale de ce pays.» Des commissions ont mises en place pour veiller à la «conservation d'un esprit sportif sain» en étudiant ce problème. Le but étant d'endiguer le risque de «naturalisations en masse». Un risque avéré par l'exemple de petits Etats, souhaitait naturaliser des footballeurs issus de plusieurs pays pour sortir de l'anonymat. La naturalisation est le meilleur moyen pour le Qatar et le Bahreïn d'arriver aux épreuves finales de la Coupe du monde ou des mondiaux d'athlétisme. Le Croate Duje Draganja, médaillé d'argent du 50 m libre aux jeux Olympiques d'Athènes, en 2004, et aux Mondiaux 2005 de natation à Montréal, était décidé à nager sous les couleurs du Qatar en 2006, a-t-il annoncé dans une déclaration à un quotidien. «J'ai accepté l'offre du Qatar et, à partir de l'année prochaine, ils seront mes sponsors», a-t-il dit. «Pour poursuivre ma carrière et remplir mes objectifs, j'ai besoin d'un important soutien financier. Mes efforts pour trouver cette aide en Croatie ont échoué», a-t-il poursuivi. Meilleur nageur croate, Draganja, âgé de 22 ans à l'époque, était en train d'achever ses études à l'Université de Berkeley, en Californie (Etats-Unis). Les autorités du Qatar lui auraient proposé un salaire de 417 000 euros par an et des primes de 208 000 euros pour chaque médaille remportée lors de grandes compétitions internationales, selon la presse. La Fédération croate de natation, qui avait tenté de convaincre le sportif de renoncer à cette démarche, ne s'est pas exprimée ? Toutefois, le ministre croate des Sports a assuré que «tout a été fait» pour conserver l'enfant prodige de la ville côtière de Split (sud). «Mais on ne peut pas faire face à des somptueuses offres internationales», avait-il dit. De plus en plus de sportifs sénégalais se font découvrir sous leur nouvelle nationalité qatarie. Comme le gardien de but de l'équipe nationale de football, voici deux volleyeurs qui ont tourné casaque et changé de nom. Deux volleyeurs sénégalais, Ernest Séraphin Coly et Birane Gadiaga évoluent depuis deux en équipe nationale du Qatar. Repéré par l'équipe de l'armée, Army Club du Qatar, alors qu'il évoluait au Dakar université club, Ernest Séraphin Coly, devenu Mohamed Jumâa, porte les couleurs du Qatar depuis mars 2003. «J'avais beaucoup hésité mais il se trouve qu'au niveau du volley sénégalais, on ne fait jamais appel aux expatriés comme au football ou au basket», a regretté l'ancien étudiant de la faculté des lettres de l'université Cheikh Anta Diop de Dakar. «Ce n'était déjà pas facile de choisir de jouer au volley. En optant pour ce sport, marginalisé au Sénégal, je savais qu'il fallait me battre pour m'en sortir», a insisté l'attaquant réceptionneur, consacré champion du Koweït avec l'équipe de Qadsia. «Il est vrai qu'en évoluant dans l'élite du volley au Qatar, je joue en compagnie de joueurs qui m'ont fait rêver, à l'image de l'Italien Lorenzi Bernadi, des Cubains Osvaldo Hernandez et Denis Angel», a souligné Coly, selon lequel l'équipe nationale du Qatar offrait la possibilité de jouer contre les grandes nations de cette discipline. «Je suis devenu champion du Golfe de volley avec le Qatar», s'est-il réjoui, non sans relever l'aspect financier qui demeure un facteur important. «Je remercie Dieu car je gagne bien ma vie par le biais du sport que j'aime», a poursuivi ce natif de Bignona, qui a commencé le volley-ball dans l'équipe de sa ville d'origine avant d'évoluer sous les couleurs du Ziguinchor volley club jusqu'à son départ pour Dakar, en 1999. «En évoluant en équipe nationale du Qatar, on perçoit un salaire mensuel pendant tout le temps que dure notre présence dans la sélection», a-t-il révélé. Les autres disciplines comme le football, le basket-ball, entre autres, ne sont pas étrangères à cette dynamique et accueillent également des joueurs d'origine sénégalaise. L'émirat a en effet décidé d'attirer dans le Golfe persique, à grandes brassées de pétrodollars, des joueurs étrangers ignorés par leur sélection nationale. Le danger valait bien la réunion d'un comité d'urgence de la FIFA, qui entend mettre fin aux rêves de grandeur du Qatar aujourd'hui, et d'autres riches petites nations sans sportifs de renom demain... A. B.