Autour de toute production cinématographique, il existe toute une chaîne de métiers qui se sont érodés dans les années quatre-vingt dix, fragilisant un secteur où la quantité prime sur la qualité. A ce sujet, Ahmed Bejaoui, conseiller au ministère de la Culture et spécialiste du 7e art en Algérie, souligne que chez nous «le vrai problème réside dans la rupture de la chaîne de production. Beaucoup de maillons sont déficients quand ils ne font pas totalement défaut, comme les studios ou les laboratoires. Au niveau de l'écriture, la difficulté vient, au départ, de l'absence de scénaristes professionnels. Ensuite, les problèmes s'accumulent lorsqu'il s'agit de monter une équipe de tournage complète et cohérente». Il explique ce statu quo par le fait qu'après la génération des grands techniciens des années 70/80, la relève ne s'est pas faite. La formation n'a pas pris le relais pour préparer des directeurs photo ou de production, des machinistes, des décorateurs ou des monteurs. Dès lors, il assure que «dans ces conditions, les cinéastes se battent contre vents et marées pour faire vivre la production» Dans la même veine, Yacine Alloui, souligne qu'il a eu la chance de commencer le cinéma à la fin des années quatre-vingt. Mais qu'avec la décennie noire, il y a eu une véritable rupture dans la continuité du travail. En conséquence, depuis le début des années 2000, il n' y a que des jeunes sans expérience et des professionnels trop vieux. Il assène qu'«aujourd'hui, si l'on doit réaliser trois longs métrages, il y aura un véritable problème de techniciens professionnels disponibles». A titre d'exemple Salim Aggar, réalisateur du documentaire ça tourne à Alger, expliquera que, pour son documentaire «ce qui m'a pris du temps, c'est le montage. Plus d'une année. Le monteur qui avait commencé avec moi est un bricoleur qui ne cessait de passer d'un projet à un autre tout en réclamant de l'argent à l'avance pour ne pas perdre le marché. De plus, à un moment donné, il avait perdu toute la matière qu'il avait enregistrée sur disque dur de la station de montage à cause des virus et du manque de professionnalisme de ce monteur véreux qui mélangeait documentaire sérieux et fête privée». Cet épisode fâcheux lui a permis de découvrir les meilleurs monteurs sur la place d'Alger et surtout de connaître les ficelles du métier audiovisuel en Algérie qui «est vraiment loin du professionnalisme». Le même manque de professionnalisme existe chez certains producteurs. Nabil Hadji, critique cinéma et membre fondateur de différentes associations de cinéma, affirme : «Mis à part quelques producteurs algériens, la plupart des maisons de production sont des gestionnaires des finances de l'Etat. De plus, techniquement parlant, ils ne respectent pas le processus de production, certainement à cause du manque de moyens logistiques et humains. A cela, il faut ajouter le fait que la corporation n'est toujours pas organisée.» Par ailleurs, concernant les scénaristes, il existe un véritable désert d'écriture de qualité, à quelques exceptions près. Yacine Alloui mettra en exergue l'importance de la qualité d'un scénario pour toute réussite d'une œuvre cinématographique. Cela à travers «une qualité avant-gardiste. Par cette qualité, il y aura une nouvelle vague de scénaristes talentueux. Il est important de revenir aux origines modestes du cinéma, lorsqu'il y avait des œuvres de qualité. Mon rêve, c'est de voir des jeunes de vingt ans réaliser des films vivant et innovants».