De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Sept jours de la campagne électorale se sont écoulés. Point de place pour le discours culturel chez les différents candidats, ayant versé dans les grands axes, qui du changement, qui de la continuité, qui des jérémiades… La culture n'a pas encore fait son apparition «politique». On appréhende son utilisation comme tremplin dans un programme présidentiel. Chaque ville possède ses caractéristiques et ses atouts culturels qu'il conviendrait de valoriser et d'exploiter à bon escient. Avec sa culture et ses patrimoines étendus, à l'image de sa géographie, l'Algérie est à la recherche de renouveau, de ce souffle créatif, «cassé» par le terrorisme, mais qui a cependant repris à la faveur d'un redressement ces dernières années que personne ne peut dénier. En dépit de quelques lacunes et de ralentissements, il faut reconnaître que la culture, dans son aspect global, a connu une évolution à la faveur d'un plan de sauvegarde qui s'est essentiellement focalisé sur l'identité et le patrimoine. Constantine, capitale du savoir, ne s'est pas encore mise au diapason de ce changement. Comment peut-on agir culturellement si l'initiative est pensée dans une perspective de «charme» à l'égard des pouvoirs publics ? C'est la politisation des lettres de noblesse ! Les cercles du savoir locaux aspirent à des actions concrètes sur le terrain pour faire sortir la ville millénaire de sa torpeur… Le chef de l'Etat espéré, selon les milieux intellectuels constantinois, est celui qui aura le courage et la conviction de relancer les salles de cinéma fermées depuis des année en les octroyant à des spécialistes et non aux «loueurs» de ces espaces qui ont écrasé le 7e art au grand dam de tous les cinéphiles. Les férus du grand écran croisent les doigts pour qu'enfin le cinéma reprenne de plus belle dans une ville qui l'a recalé, faute d'une vraie politique de gestion et d'attribution, notamment de ces lieux de détente et d'apprentissage aux gens de la profession. C'est une tâche à laquelle le futur président s'attellera sans nul doute. Il est vrai que la tragédie nationale aura gelé «toutes les salles du pays». Cependant, il s'avère que la ville du Vieux Rocher détient le record du gel…si bien que les cinéphiles ont perdu tout espoir de retrouver le plaisir de la projection. Un autre point et non des moindres préoccupe la sphère culturelle locale. Il s'agit du palais du Bey, en restauration depuis plus d'un quart de siècle. Ce site, qui subit les dernières retouches, devrait être considéré comme le témoin de l'histoire, propose un architecte chevronné qui s'intéresse à la civilisation romaine. «Le palais devra abriter des ateliers sur l'apprentissage de l'histoire. Il ne doit en aucun cas servir de décor aux fêtes circonstancielles. Il faut bannir pour une part cette idée de squatter des lieux chargés d'histoire pour les besoins seulement de la caméra… Au contraire, il faudra l'exploiter pour en tirer le maximum de savoir au profit des générations à venir», affirme-t-il. C'est un message clair destiné au futur président de la République pour barrer la route à d'éventuels opportunistes qui pourraient redonner au palais une aura de cercle de «privilégiés». Théâtre et bibliothèque, d'autres faiblesses… Les planches constantinoises sont à l'heure de l'adaptation malgré d'énormes subventions étatiques allouées au secteur. L'épopée des années 1970 aura tiré sa révérence. Depuis, la création a fait défaut - on va encore dissimuler une partie de la léthargie dans la tragédie nationale - en raison d'une absence de formation académique continue qui reste le talon d'Achille du TRC. Là aussi, s'accordent à dire les artistes, il importe de revoir la copie de cet art dans une concordance «inventive» et non dans son rôle d'adaptation en vogue et qui n'est pas vraiment le propre du théâtre constantinois… Pluridisciplinaire, la ville de Malek Haddad veut se libérer du poids dont on l'a lestée : elle n'est pas stéréotypée culturellement comme le souhaitent certains «pseudo-animateurs», auquels la donne convient. La culture à Constantine est aussi colorée que la polychromie de son palais du Bey. Toutefois, la faire renaître de ses cendres exige une contribution professionnelle loin des calculs politiciens et des surenchères partisanes. La lecture publique est aussi évoquée avec acuité par les mordus du livre. «Il faut inciter les enfants à fréquenter des bibliothèques, celles qui existent en tout cas. Constantine perd peu à peu cette tradition qui faisait pourtant partie de son quotidien», déclare une bibliothécaire sexagénaire qui garde en mémoire l'image de la bibliothèque municipale avant que celle-ci ne se dégrade… en titres et en fréquentation. Sur ce plan, on attend beaucoup du futur président élu. Relancer la lecture publique demeure une revendication émise par les responsables du secteur à Constantine. La modeste opération menée ces dernières années à travers les communes de la circonscription en les dotant de quotas de livres provenant de la manifestation «Alger, capitale de la culture arabe 2007», n'a pas fait recette. Cette donation aura contribué un tant soit peu à l'enrichissement des bibliothèques en titres, mais point en lecteurs. Et comme la culture ne peut se limiter uniquement à quelques injections, le budget alloué au savoir devrait tenir le haut du pavé… et être, surtout, bien géré.Toujours dans le même ordre d'idées, des aspirations culturelles locales convergent vers la création d'un Salon du livre digne de ce nom, loin «du bricolage» relevé dans des expositions livresques n'ayant ni queue ni tête . «Constantine mérite une réflexion à ce sujet. On a tant usé du livre pour parvenir à des fins purement commerciales…»,estime un universitaire. La gourmandise du Vieux Rocher s'est accrue ces derniers temps avec l'éventuelle construction d'une grande salle polyvalente qui répond au mieux aux attentes de la jeunesse locale partagée entre le malouf et le jazz, et autres tendances musicales. A vrai dire, le TRC et la salle du palais Malek Haddad ne parviennent pas à contenir toutes les festivités que programme la ville, en été notamment. Les deux festivals ont vu leurs publics respectifs aller crescendo ces dernières années. Ainsi, la réalisation d'un espace de concert s'impose à plus d'un titre. Le projet dont l'assiette est retenue à la nouvelle ville n'attend que l'approbation du futur gouvernement. C'est la cerise sur le gâteau espérée par les acteurs culturels… Quel programme présidentiel apportera des solutions concrètes pour satisfaire le milieu des initiés ? La question reste posée. Aux 6 candidats d'y répondre.