De notre correspondant à Constantine A. Lemili Wahiba Louaer est un petit bout de femme de trente-cinq années. Elle est titulaire d'un «baccalauréat + 14» rien que pour le plaisir parce qu'elle ne termine jamais les études universitaires qu'elle a entamées. A tort ou à raison, allez savoir. En tout état de cause l'emmagasinage intellectuel semble porter ses fruits chez cette écrivaine de scénario en herbe qui a même couché noir sur blanc cinq thèmes, puisés dans la vie de tous les jours. Elle a l'imagination féconde et galopante, à telle enseigne que, pour seulement un sujet, en l'occurrence le terrorisme, et dans ce cas d'espèce un élément constitutif des dommages collatéraux parmi tant d'autres et, fatale conséquence de la folie des hommes, elle a signé, pour sa gouverne personnelle, 900 pages d'écriture. Au hasard de notre activité professionnelle, nous l'avons rencontrée lors d'une exposition commerciale. Compte tenu du fait nous étions en possession d'un appareil photo avec lequel nous prenions des clichés sans désemparer, la demoiselle nous confondit avec un homme de cinéma alors qu'elle même se trouvait là par hasard, dans un parfait anonymat, et pour cause. Ce hasard a bien fait les choses, du moins pour nous, puisqu'il nous a édifié sur un talent caché auquel très peu d'opportunités pourraient être offertes pour espérer un jour être connu, à moins d'être médiatisé, bien que cela soit, malheureusement, insuffisant. D'autant que cette écrivaine de scénario habite Souk Naamane, une localité que même les habitants de la ville la plus proche et la plus civilisée ne connaîtraient pas. Il s'agit d'un village situé dans la daïra d'Aïn Mlila (Oum-El-Bouaghi) où il n'existe pas de cybercafés, de lieux de rencontre pour les jeunes, et où sortir, pour une jeune femme, relève de l'exploit, si ce, n'est de l'hérésie. Wahiba nous raconte, malgré tout, et nous fait forcément comprendre les raisons d'une telle prodigalité dans l'écriture.Toxicomanie, sida, adultère, terrorisme et enfants conçus à leur corps défendant par des femmes kidnappées et otages des terroristes puis revenues à une vie normale, si tant est qu'a existé une vie normale pour elles a posteriori. Sans doute que de sujets douloureux et morbides mais pour notre interlocutrice «des sujets réels qu'il serait indécent de taire ou de faire semblant de ne pas connaître. Existe-t-il une famille qui n'ait pas été touchée par le terrorisme ? Il y a peu de temps, le sida était réputé être la conséquence d'actes honteux. Or, aujourd'hui, n'importe lequel d'entre nous est exposé à la séropositivité. Il en va de même pour l'adultère ou la toxicomanie, dont les retombées, par les temps qui courent, touchent même les nourrissons». Mademoiselle Louaer écrit parce qu'elle aussi besoin de dépenser une énergie intellectuelle débordante ; des sujets importants… trop importants à ses yeux lui passent par la tête et à défaut d'en parler, d'en débattre dans des milieux appropriés, compte tenu du vide sidéral ambiant, elle les matérialise par l'écriture en attendant un signal… un signal fort, et elle demeure convaincue qu'il viendra. Nous n'avons pas eu tort de lui laisser croire le contraire bien que nous soyons convaincu que ceux qui sont concernés par la prise en charge de talents dormants, qu'ils soient bons ou mauvais, ne se fouleront jamais la cheville en allant à la recherche de jeunes pousses qui ne demandent qu'à être mises en valeur et qui sont sans doute les seules susceptibles d'apporter un nouveau souffle à une culture valétudinaire et ce type de métier encore otage de gens fossilisés à leur poste sinon pour les autres… bénéficiant de sponsors bienveillants au sein des institutions publiques concernées.